Il me semble qu’aujourd’hui, l’attitude de la plus grande partie de nos contemporains à l’égard de l’Église n’est pas
cette haine que Lui témoignent les leaders d’opinions anticléricaux et les journalistes de tous poils (ces deux catégories se recoupant souvent), mais un désintérêt profond, peut être
mâtiné de quelques préjugés méprisants. Tout simplement, les gens pensent n’avoir pas besoin de l’Église, et surtout pas non plus de celui qu’Elle représente sur terre, le Jésus-Christ le Fils de
Dieu. C’est abasourdissant. Abasourdissant parce que, face à Celui qui a donné sa vie sur la Croix pour effacer nos péchés et nous donner la Vie éternelle, nos contemporains réagissent en disant
poliment mais fermement : « non merci, cela ne m’intéresse pas ».
Pourquoi ? Pourquoi la plus grande partie des français d’aujourd’hui n’estiment plus avoir besoin du Christ et donc de Son Église ? C’est le grand
problème qui me torture les méninges depuis quelque temps. Je vais essayer ici d’apporter quelques réponses à cette question, qui n’en font bien sûr pas le tour, et qui en fait en laisse la plus
grande partie dans l’ombre. Après tout, si la Foi est un Mystère, l’absence de Foi en est aussi un pour moi.
1) Le bien être matériel a détourné les gens du Christ et de l’Église. Cette hypothèse postule que nos contemporains, nageant dans la richesse fournie par la
société de consommation, ne souffriraient plus, et donc n’auraient plus besoin d’un consolateur. Leur vie terrestre leur apportant toutes les joies qu’ils souhaitent, la Vie Éternelle n’a plus
aucun attrait pour eux. Si ce postulat pourrait viser juste dans une certaine mesure, on peut lui opposer que ce sont les classes populaires souffrant tout de même le plus à l’échelle de notre
société qui ont le plus massivement déserté l’Église. On pourrait aussi objecter que dans des pays d’une richesse inouïe comme la Corée du Sud, la mission d’évangélisation de l’Église est pleine
de succès, ainsi dans ce pays les vocations à la Prêtrise sont si nombreuses que les séminaires doivent refuser des candidats.
2) La marginalisation de la forme populaire de la religion, et son hyper-intellectualisation à partir des années 70 a coupée l’Église des gens, qui n’ont plus senti
le besoin ni d’une appartenance communautaire à l’Église, ni d’une relation personnelle avec Dieu. Ce postulat pourrait tomber assez juste. En effet, la disparition des formes populaires de piété
comme le chapelet, ou d’offices comme la dévotion au Saint-Sacrement dans les années 70 pourrait bien être à l’origine de cette fracture entre une Église dont le clergé était composé à l’époque
d’intellectuels révolutionnaires ouvertement méprisants envers la piété populaire, et la plus grande partie de la population.
3) Les gens ne ressentent plus le besoin d’être sauvé. Ce dernier argument semble tomber beaucoup plus juste que les deux précédents, en ce qu’il apporte un
éclairage sur les âmes de nos contemporains et ne se contente pas de prendre un élément sociétal ou historique comme raison de la désaffection de l’Église par les français. Donc, d’après ce
postulat, nos contemporains ne ressentiraient plus le besoin d’être sauvé, non pas qu’ils soient saints, mais que leur conduite à leurs yeux ne constituent pas un péché. C’est cela, dans notre
société individualiste et relativiste, les diverses déviances de comportement ne constituent plus une infraction à une norme révélée (qu’elle soit sociale ou religieuse), mais l’expression libre
de l’individu, « sa vérité ». Si rien n’est péché (et surtout pas le péché originel, désormais considéré comme un conte à dormir debout), pas besoin d’être sauvé. Pas besoin du Sauveur,
pas besoin de Son Église.
Face à cela, je ne vois pas trop ce que peut faire l’Église. En effet, elle n’a jamais été très douée pour combattre l’ὕϐρις (hybris, l’orgueil, si vous voulez, cette propension à se croire l’égal de Dieu) des hommes. Elle a même plutôt involontairement contribué à le cultiver chez Ses
propres ministres, d’aujourd’hui comme d’autrefois. Insister sur le péché, la nature déchue de l’homme, la nécessité pur lui d'être sauvé, bien que cela soit Sa mission, ne La fera paraitre que
plus rébarbative, et seuls ceux qui croient déjà l’écouteront sur ce terrain. Je crois plutôt avec espoir (d’aucuns me traiteront de bisounours) que nous devons durer, ne pas disparaitre, jusqu’à
ce que, par réaction, la société moderne soit en quête de normes, que les individus se rendent compte de la malice de leurs actions et de leur besoin d’un Sauveur. AU regard de la société
d’aujourd’hui, c’est une opinion extrêmement irréaliste (beaucoup ont intérêt à ce que l’homme se considère comme sa propre création, et comme une autocréation parfaite), mais par espoir nous
nous devons d’y adhérer. Car sinon, cela veut dire que nos contemporains sont tous promis à la damnation, et l’Église à la disparition. Or le Christ nous a promis que les portes de l’Enfer ne
prévaudront point contre Elle.
Je n’ai à dessein pas évoqué une quatrième possibilité, qui serait celle que les gens ne considèrent plus Jésus comme un Sauveur, mais comme un homme exceptionnel
malheureusement mis à mort par un gouvernement inique. En tout cas, pas un Dieu, pas un Fils de Dieu. Bien que cela soit sûrement vrai dans notre monde scientiste et matérialiste, je ne l’ai pas
traité, car elle sort de l’objet de ma question, étant du ressort surnaturel du mystère de la Foi. De plus, la question me semble être d’un autre niveau : ne pas ressentir le besoin d’un
Sauveur empêche radicalement tout questionnement sur la vérité de la Foi enseignée par l’Église, sur ne serait-ce que la possibilité d’adhérer à cette Foi. Je ne vais pas jusqu’à dire que le
besoin de Foi fait naître la Foi, mais en tout cas il y concourt.
Qu’en pense mon lectorat ?
