Après une inactivité prolongée, j’espère remettre le blogue sur les rails ! Je vous emmène aujourd’hui dans une partie particulièrement schizophrène de la Russie contemporaine : l’oblast (province) de Kaliningrad, ou plutôt, la Prusse orientale, pour l’appeler de ce nom qui y est honni. Et c’est dans cette terre où le passé est oblitéré que tel un lierre vivace la foi Catholique resurgit.
Znamensk, autrefois appelée Welhau, est une bourgade de 4 000 habitants sise non loin de l’ancienne Tapiau (aujourd’hui Gvardeysk), antique forteresse des chevaliers teutoniques.
La foi fut portée dans ces terres autrefois païennes à la fois par l’épée des soldats et la prédication de moines-prêtres ambulants, y fleurit et fut hélas une première fois détruite par ces mêmes chevaliers teutoniques, aveuglés par leur soif de pouvoir temporel. L’ancienne église Saint Jacques de Welhau témoigne de cet épisode : consacrée en 1620 elle devint luthérienne à la réforme, et est depuis la seconde guerre mondiale et la subséquente substitution de population (des russes de l’Oural remplaçant les allemands chassés) une ruine.
L'ancienne église Saint Jacques.
C’est dans les années 1920 qu’au fil de l’immigration d’allemands provenant de Prusse méridionale et de polonais dans la région, et des conversions, une nouvelle église, dédiée à Notre-Dame des Sept-Douleurs, fut construite pour les 600 familles Catholiques de la localité. Le besoin s’en était fait sentir depuis bien longtemps mais les persécutions contre l’Église Catholique de l’ère Bismarckienne, appelées Kulturkampf, avaient empêché tout projet en la matière. Enfin consacrée en 1928, elle ne servit qu’une quinzaine d’année avant que le curé ne soit exécuté par des militaires allemands pour avoir enfreint le couvre-feu. Lors de la grande substitution de population, tous les paroissiens se réfugièrent en Allemagne, ou tentèrent de le faire, trouvant la mort sur le chemin. Mais parmi les nouveaux arrivants se trouvaient un petit nombre de personnes ayant une origine polonaise, lituanienne, ou allemande-de-la-Volga. Et c’est ainsi que la Foi fut gardée discrètement vivante à Znamensk-Welhau.
En 1991 après la chute de l’union soviétique, la vie dans ce qui était désormais une enclave devint plus difficile encore. Ce pays sans mémoire est jonché à la fois des ruines d’une histoire abhorrée car germanique, et de celles d’un système déchu. Pour les descendants des communistes de choc (pour qui il était un privilège d’émigrer dans la région afin de prendre possession de confortables demeures allemandes), l’économie de marché est un véritable coup de bambou. Et dans cette région très fortement athée (un désert spirituel selon le précédent Archevêque de Moscou), aucun compas moral ne donne de direction claire.
C’est dans ce contexte que le petit nombre de fidèles d’entre les fidèles de Znamensk se prirent à rêver de vivre leur foi librement. Et cela déboucha sur 20 ans de traction pour tenter de récupérer l’église. Le bâtiment était devenu l’annexe d’un lycée professionnel, puis à la banqueroute de l’État soviétique cessa d’être utilisé, pour devenir un lieu de vie pour des SDF.
L'église Notre-Dame des Sept Douleurs avant 2010
Après les souffrances de la réforme, du Kulturkampf, de la guerre, et de l’oppression communiste, la petite communauté se trouva devant un gouvernement local particulièrement peu coopératif. Lors de la première demande, il accusa l’Église de vouloir participer au dépècement des équipements éducatifs de la région, oubliant fort commodément à la fois que l’ancienne église était désormais une quasi-ruine sans aucune utilité pour le lycée et ses propres projets d'y ouvrir un restaurant. Puis dans cet article des Izvestia, le directeur du lycée exigea du « riche Vatican » 5 millions de roubles pour opérer le transfert de la propriété ! Enfin, alors que les obstacles semblaient être sumontés, l’Église Orthodoxe russe émit elle aussi une prétention sur le bâtiment ! C’était le plus grand danger pesant sur la communauté Catholique, car l’État russe ne reconnaissant aucun titre de propriété antérieur à la substitution de population, les anciennes églises de quelque confession qu’elles aient été finissent généralement entre les mains des Pravoslaves.
Malgré ces difficultés, sous la houlette de missionnaires la petite communauté qui célébrait la Messe et les sacrements grandit pour atteindre 120 personnes (et non pas 20 comme le répète à l'envi le très communiste journal Izvestia) et par un miracle du Saint-Esprit, le 24 février 2010 le bâtiment fut rendu à la paroisse Catholique par décision du conseil municipal.
Après deux ans de restaurations financées par les sacrifices des fidèles, l’église Notre-Dame des Sept-Douleurs de Znamensk a été reconsacrée le 24 novembre par Mgr. Pavel Pezzi, archevêque de Moscou.
L'église aujourd'hui
Cette consécration est aussi ferment de réconciliation, car y ont assistés les autorités locales (dont un conseiller municipal membre d’une des très rares familles allemande demeurées sur place après 1945) et le curé orthodoxe de la ville.
Au-delà de la petite histoire de cette communauté courageuse, on peut voir ici l’illustration de la vivacité de la foi Catholique, flamme brûlante animée par l’Esprit Saint qui pousse des personnes apparemment communes à faire des choses grandioses. Prenons-en de la graine, dans nos chrétientés oublieuse des Sept-Douleurs de la Sainte Vierge qui sont appelées à être celles de tout Chrétien, pour un bonheur plus grand encore.