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27 avril 2013 6 27 /04 /avril /2013 17:14

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J’aime le théâtre. Ce n’est pas étonnant, tout homme devrait aimer le théâtre, et tout français les pièces de Jean Racine. L’idée d’aller entendre son chef-d’œuvre, Phèdre, à la Comédie-Française qui plus est, me remplissait d’impatience !

Et bien cette pièce m’a fait l’effet d’un soufflé qui retombe. Les mots les plus beaux du monde y ont été terriblement maltraités par une mise en scène prétentieuse et irritante de Michael Marmarinos. Notons bien que ce n’est pas précisément le caractère moderne de cette scénographie qui est irritant, car il peut y avoir de belles mises en scènes modernes voire contemporaine. Mais ici, les moyens mis en place attiraient l’attention sur eux-mêmes, et sur l’ego manifestement surdimensionné du metteur en scène, voilant la beauté du texte. Marmarinos refuse de placer l’action en Grèce antique, selon le livret « la Grèce antique aurait été trop abstraite pour [lui] », mais plus que cela, il refuse l’universalité qui découle de ce placement historico-spatial mythique, nous livrant une Phèdre démythifiée, au point qu’on ne perçoit plus le fatum qui est à l’œuvre. S’ensuivent des considérations absconses sur la période de « romantisme personnel précédant [sa] naissance ».

Il serait sans doute fastidieux d’énumérer tous les motifs de mécontentement à y trouver, mais je mettrais au premier chef la quasi-robotisation des acteurs. Ceux-ci sont froids comme un bloc de marbre, notre tragédie est devenue un film suédois à la Bergman. Ils bougent, ils crient parfois, mais ils ne s’adressent jamais véritablement l’un à l’autre, semblant débiter leur texte à l’audience. Audience, qui se découvre inconfortablement personnage de la pièce. Cela découle du choix visiblement réfléchi de Marmarinos de briser complètement l’illusion théâtrale, qui se manifeste également par la disparition du rideau rouge, l’utilisation d’un micro sur pied placé face au public de telle sorte que les grandes tirades sont débitées d’un ton monocorde face au public, et, suprême irritation, l’intégration des didascalies dans le texte dit ! Alors quand Théramène place un « Théramène dit » avant certaines de ses répliques, le sang d’un amateur de théâtre ne peut que bouillonner face à cette insulte faite au texte.

 

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On ne peut aussi que se lamenter de la susurration inaudible apparemment imposée aux acteurs par le metteur en scène de la plupart de la pièce (tout au moins des répliques qui n’étaient pas microphonées !), chuchotement de plus souvent couvert par une omniprésente musique de violons donnant un petit côté Les feux de l’amour à la tragédie antique.

Du décor par ailleurs beau ressort l’incongruité de la présente d’un poste de radio, apparemment capital dans l’idée de Marmarinos, qui ne sert qu’à faire chanter à Panope un chant espagnol lorsqu’elle annonce à Thésée la mort d’Oenone (???). Cette présence est expliquée allusivement dans le livret par une pédanterie grammaticalement incorrecte : « le maintenant de l’extérieur à côté du drame privé ». Allez comprendre.

Ainsi, ce metteur en scène tombe complètement à côté. Ce qui est dommage, car il y a du vrai et du sensé dans ce qu’il relève dans son petit laïus à l’intention du livret. Oui, Phèdre est une tragédie de mots, on cherche le soulagement en les laissant échapper après les avoir longtemps réprimé par respect des conventions, pour ensuite assister impuissant à l’horreur que déchainent ces confessions faites à brûle-pourpoint. Et oui, le chœur invisible mais qui fait irruption sur scène à chaque utilisation du mot « on » représente la Cité toute entière qui fait entrer ce drame privé dans la sphère publique.

On peut donc regretter que les bons acteurs de la comédie, dont l’étoile montante est Pierre Niney, qui tenait le rôle d’Hippolyte, n’aient pas été mis à profit de meilleure manière.

 

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25 décembre 2012 2 25 /12 /décembre /2012 12:00

11: The people that walked in darkness (song: bass)

 

 

11. Air (basse) Isaïe 9, 1

 

The people that walked in darkness have seen a great light; and they that dwell in the land of the shadow of death, upon them hath the light shined.

 

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre de la mort, la lumière a resplendi.

 

Une image vaut parfois mieux qu’une longue explication.

 

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12 : For unto us a child is born (chorus)

 

 

Isaïe 9,5

 

For unto a child is born, unto us a son is given, and the government shall be upon his shoulder, and his name shall be called Wonderful Counsellor, the mighty God, the everlasting Father, the Prince of Peace.

 

Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné; l'empire a été posé sur ses épaules, et on lui donne pour nom: Conseiller admirable, Dieu fort, Père éternel, Prince de la paix.

 

Joyeux Noël! Vous pouvez continuer à écouter le Messie sur cette liste de lecture.

 

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24 décembre 2012 1 24 /12 /décembre /2012 12:00

10 : For behold, darkness (accompagnato : bass)

 

10. Récitatif (basse) Isaïe 60, 2-3

 

For behold, darkness shall cover the earth and gross darkness the people: but the Lord shall arise upon thee, and his glory shall be seen upon thee. And the Gentiles shall come to thy light, and kings to the brightness of thy rising.

 

Voici que les ténèbres couvrent la terre, et une sombre obscurité les peuples; mais sur toi Yahweh se lève, et sa gloire se manifeste sur toi. Les nations marchent vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton lever.

 

Ce récitatif est décidément très expressif, il commence dans un caractère tourmenté, avec des doubles croches plaintives au violon. Le registre est mineur sur la « sombre obscurité ». Mais soudain, sur « sur toi le Seigneur se lève », une lumineuse vocalise fait passer le tout en mode majeur. Bien évidemment, il s’agit du passage de l’Ancien Testament au Nouveau, d’un monde où Dieu est caché et où même Moïse ne peut le voir que de dos, à un monde où il s’est incarné dans la chair. Mais il faut aussi penser à appliquer ce texte ainsi que tous les autres examinés à notre situation présente. En effet, l’Église a toujours fait le lien entre l’attente des Juifs de la première venue du Messie, et l’attente par le peuple Chrétien de sa seconde venue. Et dans cette perspective, la Parole prend un autre sens. Tout n’est pas déjà arrivé, et dans ces temps qui sont les derniers (ils le sont depuis 2000 ans, ce qui est une seconde dans la pensée du Seigneur), ne nous faisons pas surprendre par la venue du Seigneur sans huile dans nos lampe, sans amour dans notre cœur ! L'Avent est un très bon temps pour s'entrainer à conserver cet état d'esprit.

 

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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 12:00

8: Behold a virgin shall conceive (Recit: alto) & 9: O thou that tellest (song: alto & chorus)

Je vous propose à la fois la version Cleobury avec une alto dont la coiffure choucroutée trahit l'appartenance aux années 90, et une autre avec un contreténor.

 

 

 

 

 

8. Récitatif (alto) Isaïe 7, 14 & Matthieu 1, 23

 

Behold, a virgin shall conceive and bear a son, and shall call his name "Emmanuel", "God with us"

 

Voici que la Vierge a conçu, et elle enfante un fils, et on lui donne le nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous.

 

9. Air (alto) avec chœur Isaïe 40, 9 & Isaïe 60, 1

 

O thou that tellest good tidings to Zion, get thee up into the high mountain; o thou that tellest good tidings to Jerusalem, lift up thy voice with strength; lift it up, be not afraid, say unto the cities of Judah: behold your God! Arise, shine; for thy light is come, and the glory of the Lord is risen upon thee.

 

Monte sur une haute montagne, toi qui portes à Sion la bonne nouvelle ; élève la voix avec force, toi qui portes à Jérusalem la bonne nouvelle; élève-la, ne crains point ; dis aux villes de Juda "Voici votre Dieu !" Lève-toi, et resplendis ! Car ta lumière paraît, et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi.

 

Ce récitatif, cet air et ce chœur comportent une articulation logique : d’abord est énoncée la Bonne Nouvelle : Dieu avec nous dans la chair, née d’une Vierge. Et ensuite le prophète Isaïe nous exhorte à annoncer partout cette Bonne Nouvelle. Le Messie attendu par le peuple Juif est venu sauver le monde tout entier ! La musique de l’aria individualise les « lève-toi », les « resplendis ». Nous sommes appelés à être la lumière du monde, ne nous cachons pas sous le boisseau ! Comme nous le disent Isaïe et Jean-Paul II, n’ayons pas peur. 

 

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22 décembre 2012 6 22 /12 /décembre /2012 18:03

7: And he shall purify (chorus)

 

 

Chœur Malachie 3,3

 

And he shall purify the sons of Levi, that they may offer unto the Lord an offering in righteousness.

 

Il purifiera les fils de Lévi, et les épurera comme l'or et l'argent ; et ils seront pour le Seigneur des ministres qui lui présenteront l'oblation selon la justice.

 

Ce passage de Malachie suit quasi immédiatement celui de l’air précédent. Haendel place la vocalise sur « purifiera ». Cette purification des fils de Lévi peut être comprise comme je l’ai expliqué dans le précédent commentaire, mais ici on peut lui donner un sens plus précis. Les fils de Lévi, les lévites, avaient le privilège de servir au Temple de Jérusalem comme grands-prêtres du Seigneur. Malachie lui-même était membre de cette tribu, de même que Saint Jean-Baptiste, et les apôtres Marc, Mathieu et Barnabé. Pourquoi Malachie réputerait-il les membres de sa propre tribu, les grands-prêtres d’Israël, impurs ? Et pourquoi fait-il allusion à une purification future, qui permettra à ces prêtres de présenter l’oblation selon la justice du Seigneur ?

Pour cela, examinons la pratique presbytérale Chrétienne et ce qu’il en subsiste dans le judaïsme rabbinique contemporain. Dans le premier, elle est centrale, alors que dans le second, elle a disparu. La prêtrise Chrétienne se voit en fait comme l’héritière du sacerdoce du Temple de Jérusalem. Mais une héritière rénovée et purifiée par la Passion du Christ. Et une héritière capable d'offrir le seul sacrifice qui plait à Dieu, non plus des vaches et des agneaux, mais le corps de son propre Fils, incarné dans la chair, et mort pour nos péchés.

 

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14 décembre 2012 5 14 /12 /décembre /2012 00:07

6: But who may abide (song : alto)

 

Nous laissons la version de Cleobury pour privilégier celle d’Anthony Walker avec l’orchestre des Antipodes et l’excellent contreténor Christopher Field.

 


Air (alto) Malachie 3, 2

 

But who may abide the day of his coming? And who shall stand when he appeareth? For he is like a refiner's fire.


Et qui soutiendra le jour de sa venue, et qui restera debout quand il apparaîtra? Car il sera comme le feu du fondeur.

 

Mmm, c’est assez obscur comme passage, non ? Qu’est-ce que ça peut bien être, le feu du fondeur ? La traduction du chanoine Crampon est juste et littérale, mais la Bible en français courant nous parle plutôt de « feu qui affine le métal » ce qui permet de mieux comprendre de quoi nous parle le prophète Malachie.


Il s’agit d’une purification de l’humanité de son péché originel, cette tendance intrinsèque à la rébellion contre Dieu qui existe dans le cœur de chaque humain depuis la chute première. Cette purification finale est ce que les Hébreux (et encore les Juifs aujourd’hui) attendaient de la venue du Messie. Et elle est venue, sauf que ce n’est pas de la façon dont ils s’y attendaient. D’abord, par son immolation sur la Croix, notre Seigneur Jésus Christ a pris sur lui tout le péché du monde et nous a rachetés de tout péché, originel comme de notre propre fait. Le sacrement baptême qu’il nous a donné a accompli pour chaque baptisé ce rachat du péché originel, avec le signe de l’eau.


Mais ensuite, il n’a pas fait de nous des anges pour autant ! Son action de purification requiert notre accord, notre collaboration à travers toute notre vie. Et elle ne se termine qu’après notre mort, lorsque les flammes spirituelles, non pas des enfers, mais du purgatoire brûlent tout ce qui reste de péché dans l’âme humaine. En effet, avant cette purification finale, peu d’âmes « soutiendront le jour de sa venue et resteront debout quand il apparaîtra », car selon ce que diverses révélations (cf. Un mois avec les âmes du purgatoire de l’Abbé Berlioux) nous disent, les âmes ne serait-ce que légèrement pécheresses ne peuvent effectivement pas supporter la présence de Dieu dans sa pleine gloire, et se sauvent d’elles mêmes en purgatoire.


Il est ironique d’illustrer une doctrine spécifiquement Catholique avec la musique d’un protestant ! Et pourtant, la musique d’Haendel illustre magnifiquement les paroles du prophète. Ici, sa formation en Italie et son passé de compositeur d’opéra transparaissent sous son vernis de compositeur se musique sacrée. Le rythme plus lent de la première partie fait penser à la complainte de l’humanité déchue, nostalgique du jardin d’Éden. Les vocalises soulignent avec une tranquille dignité le mot « appeareth », la venue du Seigneur. Soudainement, la partie rapide intervient, avec un effet dramatique certain : on croirait voir les flammes danser, et on reste fasciné. Et retour du motif calme : l’âme purifiée peut rencontrer le Seigneur et se tenir debout devant lui. 

 

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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 17:37

5: Thus saith the Lord (accompagnato: bass)

 

 

4. Récitatif (basse) Aggée 2, 6-7 & Malachie 3, 1


Thus saith the Lord of hosts: yet once a little while, and I will shake the heav'ns and the earth, the sea, the dry land; and I will shake all nations, and the desire of all nations shall come.

The Lord whom ye seek, shall suddenly come to his temple; ev'n the messenger of the covenant whom ye delight in, behold, he shall come, saith the Lord of hosts.

 

Car ainsi parle le Seigneur des armées: Une fois encore, et ce sera dans peu, j'ébranlerai les cieux et la terre; la mer et le continent ; j'ébranlerai toutes les nations, et les trésors de toutes les nations viendront.

Voici que j'envoie mon messager, et il préparera le chemin devant moi; et soudain viendra dans son temple le Seigneur que vous cherchez, l'ange de l'alliance que vous désirez. Voici, il vient, dit le Seigneur des armées.

 

Quelle puissance dans ces vocalises, dans ces coups d’archets ! On se sent secoué, ouiche alors ! Et pourtant quelle tendresse dans la coloratura de « the desire » ...

Ça alors, l’enfantounet de la Crèche, un Dieu qui « ébranle les Cieux et la terre, la mer et le continents, et toutes les nations ? Les croyances et coutumes populaires sont bonnes, mais le petit Enfant de Noël nous fait parfois tomber dans la mièvrerie. Cet Enfant, c’est le Verbe qui a créé toute chose, qui Est avant même que Abraham et Moïse ne soient, qui a parlé par les Prophètes, et qui, parce qu’Il aime le monde d’un immense amour, quitte les Cieux pour s’humilier jusqu’à devenir un petit d’homme par l'Incarnation. Le « Dieu des armées », c’est notre Dieu, celui des cortèges angéliques et de la gloire triomphante. Nous ne prêchons pas assez la grandeur de Dieu, une grandeur exceptionnelle en ce qu’elle ne l’empêche pas d’être infiniment proche de chacun de ses enfants; au point que nous falsifions les traductions de la liturgie : « Sanctus Dominus Deus Sabaoth » ne veut pas dire « Saint le Seigneur le Dieu de l’univers » mais Saint le Seigneur le Dieu des armées »…

Une dernière chose : cet ange d’alliance tant désiré est le Christ, qu’il est fréquent de voir portraituré comme un ange dans l’Ancien Testament, par exemple dans le Livre de Daniel lorsqu’il vient consoler les jeunes gens qui se trouvent dans la fournaise de feu.

 

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 14:23

4 : And the glory of the Lord (Chorus)

 

 

4. Chœur Isaïe 40, 5

 

And the glory of the Lord shall be revealed, and all flesh shall see it together: for the mouth of the Lord hath spoken it.

 

Alors la gloire du Seigneur apparaîtra, et toute chair sans exception la verra; car la bouche du Seigneur a parlé.

 

Prima le parole, poi la musica : dans la querelle opposant ceux qui pensaient que la musique était plus importantes que les paroles, et ceux qui soutenaient que les paroles devaient guider la composition de la musique, Haendel se place fermement (avec tous les compositeurs de musique religieuse) dans le second camp. « La gloire du Seigneur », mouvement ascendant, il s’agit de ce qui est dans les Cieux. Mais avec « toute chair sans exception la verra », le mouvement est contraire, il est descendant, et il symbolise la descente de la gloire du Seigneur, de son Verbe, sur la Terre. C’est la chair qui le voit, car le Dieu des Chrétiens, fait unique dans les religions du monde, a pris chair, non pas comme un artifice ou subterfuge, mais par compassion envers les hommes. Rappelons-nous ainsi pendant cet Avent que la foi n’est pas, comme elle est souvent caricaturée, l’adhésion à un système de valeur ou à une morale, mais la rencontre et la relation avec un vrai homme (et vrai Dieu), quelqu’un de Vivant, hier, aujourd’hui et toujours. Et c’est de cette rencontre que découlent les comportements parfois incompris dans le monde d’aujourd’hui des catholiques et de leurs pasteurs. Une dernière chose : un unisson solennel des voix d’hommes souligne « car la bouche du Seigneur a parlé ». Et ces trois mouvements ascendant, descendant, et horizontal de s’entremêler en contrepoint, car dans la Rédemption est au-delà du temps.

 

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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 22:49

La pratique de la réserve eucharistique dans des tabernacles est une nouveauté du second millénaire. Il ne faut pas cependant croire que l’Église antique ne croyait pas en la présence réelle du Christ dans hostie, et que la réserve eucharistique n’était pas pratiquée. Elle se pratiqua d’abord chez les personnes pieuses ainsi que Justin le martyr nous l’enseigne. C’est Tertullien qui le premier emploie le verbe reservare à propos du Saint Sacrement lorsqu’il explique dans De oratione que ceux qui n’avaient pas jeûné avant la Messe pouvait emporter l’hostie afin de la consommer plus tard. Saint Cyprien au milieu du IIIe S nous rapporte dans De lapsi le premier miracle eucharistique connu, qui est en rapport avec la réserve eucharistique : une femme aux mains souillées tentant d’ouvrir la custode dans laquelle elle conservait le Saint Sacrement en fut empêchée par des flammes en jaillissant. Cette pratique de la réserve eucharistique avait pour but de permettre aux malades et aux personnes enfermées de recevoir la communion régulièrement, et dans une certaine mesure la dévotion privée : Saint Ambroise nous apprend dans De excessus fratri que les Chrétiens cherchaient à obtenir une hostie consacrée pour la transporter avec eux comme une protection contre de grands périls.


Mais on ne trouve pas à ces époques de réserve eucharistique dans l’église, ni de dévotion collective envers le Saint-Sacrement. C’était l’Autel qui était le centre de la dévotion dans les églises, en tant que trône du Seigneur. Il était de fait toujours couronné d’un baldaquin, entouré de rideaux et garnis de lampes brûlant constamment. Cette dimension le rapproche du saint des saints du temple, ou encore de la tente de la Shekinah (présence du Seigneur).

 

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Autel avec son rideau et son baldaquin dans une église orthodoxe jacobite en Inde, sans doute proche de la pratique paléochrétienne


Si l’ont observe donc au tournant du millénaire un changement dans la dévotion eucharistique, il n’est sous-tendu par aucun changement doctrinal : l’Église a toujours cru en la transsubstantiation, même si Elle n’exprime la présence réelle sous ce vocable que depuis Saint Thomas d’Aquin. Le développement de la dévotion eucharistique, pour reprendre les mots du Pape qui n’était alors que cardinal dans L'esprit de la liturgie: Cette nouveauté médiévale « a déployé la grandeur du Mystère institué au Cénacle et a donné la possibilité de le vivre dans une plénitude nouvelle ».


À partir du Xe S, la façon la plus fréquente dans l’occident Chrétien de conserver l’Eucharistie est le tabernacle suspendu au dessus de l’Autel, en forme de tour ou de colombe pour les plus élaborés, et surmonté d’une couronne et d’un dais (Il faut noter que le Pape est d’accord avec cette datation, alors que Mgr. Piacenza fait remonter ces modes de réserve à l’époque romaine tardive).


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 Enluminure médiévale (manuscrit Rawlinson) montrant un tabernacle suspendu sous son dais


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Un des rares exemple conservés de tabernacle médiéval authentique, dans l'église de Dennington en Angleterre (photo Lawrence Lew OP)


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Différents modèles de tabernacles suspendus, planche extraite de Churches, their plan and furnishing de Peter Anson 


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Tabernacle suspendu du XIIIe S, provenance: Limoges


Une innovation allemande apparait à partir du XIVe siècle, les Sakramentshaus, ou maison du Saint Sacrement, se tenant dans le chœur côté épitre. Ces « maisons » étaient richement ornées, et en rompant avec la réserve suspendue préfigurent le tabernacle moderne posé sur l’Autel. Une de leurs particularités était de comporter comme porte une grille ouvragée permettant de voir le ciboire transparent dans lequel étaient contenues les Saintes Espèces. Il s’agissait d’éviter une exposition permanente interdite par la Loi de l’Église tout en permettant aux fidèles de se recueillir avec le Saint Sacrement en vue à toute heure. Souvenons-nous que la vue de Jésus-Hostie était et est toujours importante pour les fidèles : c’est la raison même de l’élévation après la consécration, et autrefois un drap noir était parfois tendu derrière l’Autel afin de mieux voir par contraste l’hostie blanche. Il était commun, à une époque où on ne communiait que très rarement, pour les personnes pieuses de faire la « tournée » des églises le dimanche afin d’assister plusieurs fois à l’élévation.

 

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Sakramentshaus de la basilique Sainte Marie de Gdansk


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Témoignage de leur certaine survivance après Trente, Sakramentshaus baroque de Jérôme Duquésnoy dans l'église Saint Martin d'Alost


Après le concile de Trente et sous l’influence de Saint Charles Borromée, une pratique déjà connue s’imposa, la réserve du Saint Sacrement dans un tabernacle-armoire posé sur l’Autel. C’était une affirmation de la foi de l’Église en la transsubstantiation en ces temps de Réforme, mais cela fit perdre son caractère distinct à l’Autel « trône de gloire », avalé par les gradins servant à supporter des cierges en grands nombre, autre nouveauté du concile de Trente. Cette pratique s’est répandue au point que Benoît XIV, dans sa constitution Accepimus (16 juillet 1746) déclara que c’était «une discipline en vigueur». Et cet emplacement fut universellement adopté à la suite du décret de la Sacrée Congrégation pour les Rites du 16 août 1863, qui interdisait toute autre manière de conserver le Saint Sacrement.


Aujourd’hui, cette unité de pratique a été brisée par les désordres issus du concile, sans cependant qu’il ne faille se lamenter de tous les changements opérés. Il faut clairement désavouer les dispositions mettant le tabernacle très à l’écart de l’Autel, dans un endroit discret et malcommode comme décourageant la dévotion envers le Saint Sacrement. Mais il n’est pas non plus mal que de nouveau l’Autel soit dissocié du tabernacle. La pratique majoritaire de dire la Messe versus populum pose également un problème tenant à ce que le célébrant tourne le dos au tabernacle posé sur le maitre-autel. Dans les églises où cela est faisable, la réalisation de « maisons du Saint-Sacrement » est donc souhaitable. Le retour du tabernacle suspendu est aussi un moyen de résoudre ce problème en suspendant le tabernacle au dessus de l’Autel indépendant. Le premier a l’avantage de pouvoir être volumineux et d’attirer l’œil, le second de préserver la centralité de la réserve eucharistique voulue par le concile de Trente. Il semble que les normes actuelles prévues dans l’instruction Redemptionis Sacramentum autorisent les deux :

En fonction des données architecturales de l’église et conformément aux coutumes locales légitimes, le Saint-Sacrement doit être conservé dans un tabernacle placé dans une partie de l’église particulièrement noble, insigne, bien visible et bien décorée», et aussi dans un endroit tranquille « adapté à la prière » (Instruction Eucharisticum mysterium), comportant un espace devant le tabernacle, où il est possible de disposer un certain nombre de bancs ou de chaises, avec des agenouilloirs.


Quelques exemples modernes de tabernacle suspendu et de maison du Saint Sacrement:

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Colombe eucharistique en l'église Catholique-melkite de Saint Julien le Pauvre à Paris, carte postale datant d'après 1900


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Tabernacle suspendu à l'abbaye de la Fille-Dieu (Suisse), il manque un dais et un voile

 

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Colombe eucharistique contemporaine réalisée pour la chapelle de la résidence épiscopale à Limoges

 

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Exemple moderne de Sakramentshaus dans la cathédrale de Salt-Lake-City

 

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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 20:25

 

Ayant chanté le Messie avec mon chœur étudiant la semaine dernière à Ste Clothilde, j’ai été frappé de la grande religiosité de cette œuvre que certains dépeignent pourtant comme une fresque profane déguisée en oratorio religieux. À étudier un tant soit peu le livret et la musique, on s’aperçoit que rien n’est plus faux, et Haendel se distingue par sa grande connaissance de la Bible, les connexions intelligentes qu’il opère entre Ancien et Nouveau Testament.

 

Nous allons donc marcher vers Noël avec quelques uns des 21 premiers numéros de cet oratorio, consacrés aux prophéties de l’Ancien Testament, pour terminer avec le chœur « For unto us a child is born ». A chaque vidéo sera joint le texte original, dans la belle prose de la Bible du Roi Jacques, la traduction du chanoine Crampon, et un bref commentaire sur la façon dont la musique porte le texte.

 

La version proposée sera généralement celle de Stephen Cleobury avec la maitrise du King's College et le Brandeburg Consort, mais pour certains morceaux le choix sera fait de proposer une autre version plus originale.

 

2 & 3 : Comfort ye, my people (accompagnato : tenor) & Ev’ry valley (song : tenor)


 


2. Récitatif (ténor) Isaïe 40, 1-3

 

Comfort ye my people, saith your God;

speak comfortably to Jerusalem, and cry unto her, that her warfare is accomplished, that her iniquity is pardoned.

The voice of him that crieth in the wilderness: prepare ye the way of the Lord, make straight in the desert a highway for our God.


Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu.
Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui: Que sa servitude est finie, que son iniquité est expiée, qu'elle a reçu de la main du Seigneur le double pour ses péchés.
Une voix crie: Frayez dans le désert le chemin du Seigneur, aplanissez dans la steppe une route pour notre Dieu !


3. Air (ténor) Isaïe 40, 4


Every valley shall be exalted, and every mountain and hill made low; the crooked straight and the rough places plain.


Que toute vallée soit relevée, toute montagne et toute colline abaissées; que la hauteur devienne une plaine, et les roches escarpées un vallon !

 

Ce premier morceau vocal de l’œuvre est l’espoir incarné en musique. Accompagné par les cordes seulement, le ténor chante piano, comme pour ne pas apeurer un enfant craintif. C’est Dieu qui s’adresse avec amour à une pécheresse qui n’ose pas lever les yeux vers Lui. Et c’est le salut pour Israël qui s’était détourné de Dieu. La ligne mélodique monte sur « parle au cœur de Jérusalem », pour passer de la douceur au cantique d’action de grâce : « sa servitude est finie, que son iniquité est expiée ».

 

L’aria continue avec le livre d’Isaïe, et c’est la joie qui s’exprime : le Seigneur est tout puissant, Il peut tout ! Et naitre comme tout petit enfant n’est pas pour Lui une humiliation, mais un acte similaire à l’abaissement des montagnes, la transformation des hauteurs en plaines. Son Incarnation va avoir sur la nature humaine un effet plus grand encore que Sa puissance pourrait avoir sur la nature qui nous entoure.

 

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Approximativement 46 millions d'avortements ont lieu dans le monde chaque année.

Ce compteur donne une idée du nombre de petites vies interrompues depuis le 1er Janvier.

Requiem aeternam dona ei Domine et lux perpetua luceat eis.

Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous.

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