L’Église Orthodoxe russe s’ouvre timidement à l’œcuménisme
Le journal La Croix rapporte dans cet article la visite du Cardinal Koch, président du Conseil Pontifical pour l’Unité des Chrétiens. Il s’agit certes d’une visite importante, qui préfigure peut-être une rencontre entre le Pape et le Patriarche de Moscou (dont on peut subodorer qu’elle aura lieu en territoire neutre, la Biélorussie parait donc une hypothèse sérieuse). Mais ce mois de Mars 2011 a aussi vu une autre inflexion de la politique de l’Église Orthodoxe Russe envers l’Église Catholique, sans doute plus importante encore. En effet, si les relations Rome-Moscou ce sont réchauffées depuis quelques années, les Orthodoxes russe n’ont jamais jusqu’à aujourd’hui cessé d’ignorer et de mépriser les Catholiques présents sur le sol de l’ex-URSS (Pour les plus grosses Église locales : 6 millions en Ukraine, 4 en Lituanie, 3 en Biélorussie, 2 en Russie, et 1,5 en Lettonie, soit en tout environ 15 millions d’âmes), voir ici.
Désormais il semble que cette attitude négative soit remise en cause par la réunion le 4 Mars dernier du Comité interconfessionnel consultatif Chrétien de la CEI et des États Baltes. Cet organe, créé en 1994 avait été suspendu plusieurs fois au fur et à mesure des aléas du dialogue œcuménique, et avait toujours été quelque chose de marginal, se réunissant sporadiquement tout les deux ans durant ses années d’activité (soit de 1996 à 2002 et depuis 2007). Il prend aujourd’hui avec cette réunion se tenant pour la première fois à Moscou, au siège du service des relations extérieures du Patriarcat de Moscou, une importance toute nouvelle, et inédite. De plus, et c’est une première, il est désormais dirigé par des personnalités religieuses de premier plan : les trois co-présidents en sont en effet le Métropolite Hilarion de Volokolamsk, président du département des relations extérieures du Patriarcat de Moscou (voir un entretien avec lui ici), Mgr. Pavel Pezzi, Archevêque Latin de Moscou, et le Pasteur Vlasenko, président de l’ « Église » Baptiste de Russie (la plus grosse communauté protestante de Russie). On note également la présence de représentants des Églises Apostolique Arménienne et Luthérienne, et des pouvoirs publics.
Les trois personnages au milieu sont le Pasteur Vlasenko, Mgr. Hilarion et Mgr. Pezzi.
Donc, ce Comité interconfessionnel consultatif Chrétien de la CEI et des États Baltes semble marquer le début de la recherche par les Pravoslaves d’un dialogue œcuménique fructueux au niveau national, et non plus seulement entre les hiérarques moscovites et les cardinaux romains. Cependant, ne soyons pas trop démesurément enthousiastes : Oui, c’est un très grand pas que l’Église Orthodoxe Russe reconnaisse la présence des Catholiques et Protestants en ex-URSS, veuille bien rencontrer leurs représentants, et de mener des projets commun, mais ce n’est pas pour autant qu’elle accepte de rentrer en dialogue théologique avec eux. Non, l’œcuménisme à l’Orthodoxe réserve cette question à une conférence de théologiens, dont la dernière rencontre a eu lieu l’année dernière à Chypre. Ce dont on a parlé à Moscou le 11 Mars, c’est de la société russe. En effet, bien qu’elle soit érigée par l’État en Église nationale, le programme de reconstruction morale post-communisme de l’Église Orthodoxe rencontre certaines difficultés, les mauvaises mœurs dues à la propagande rouge cédant la place aux mauvaises mœurs libérales importées d’Europe et des USA. L’Église de Russie s’aperçoit donc enfin que l’aide de 15 millions de Catholiques et de 5 à 10 millions de Protestants serait peut être utile, afin de témoigner de façon moins fragmentée du Christ à une société sans repère (qui avorte 64% de ses enfants, pour prendre un exemple simple et percutant), et de tenter de redresser la barre en rééduquant moralement et religieusement un peuple qui en a grand besoin.
Le logo du comité
On a donc parlé officiellement, selon le communiqué, de la création d’un mouvement social pour la promotion de la dignité de la vie humaine, et des valeurs familiales, de lobbying envers l’État et les entreprises afin de les sensibiliser à l’importance de la famille, de l’action médiatique contre l’alcoolisme, la toxicomanie, et pour une paternité et une maternité responsables, et enfin de la nécessité de l’éducation religieuse à l’école primaire. Les trois co-présidents ont convenu d’un nouveau rendez-vous du comité en Mai 2011.
Outre le dialogue, c’est aussi sans doute un changement de tactique face aux communautés Catholiques et Protestantes qui, avouons-le, siphonnent allégrement l’Église Orthodoxe de ses fidèles, non pas tant qu’elles fassent preuve d’un prosélytisme ardent, mais que beaucoup de russes se sentent mal dans la religion traditionnelle, rattachée de façon assez malsaine à l’État hier comme aujourd’hui. Côté Catholique, on voit ici le succès du remplacement du précédent Archevêque de Moscou, Mgr. Thaddée Kandrushevitch, un biélorusse très intransigeant (mais sans doute était-il la personne nécessaire pour reconstruire une Église complètement éradiquée) par un italien plus diplomate, Mgr. Pavel Pezzi.
Mgr. Pezzi s'exprime.
Le communiqué final de la réunion sur le site de l’Archidiocèse Latin de Moscou (en russe)
Un compte-rendu de la réunion sur le site de l’Archidiocèse Latin de Moscou (en russe)
Le site officiel du Comité interconfessionnel consultatif Chrétien de la CEI et des États Baltes (en russe et en anglais)