Par l’Abbé Christopher Phillips, curé de la paroisse Our Lady of the Atonement, Archidiocèse de Galveston-Houston, Texas.
Traduction de Louis-Marie.
(…) Parmi les principes de la doctrine Catholique causant le plus de trouble aux Protestants (et à beaucoup d’Orthodoxes), il y a l’infaillibilité pontificale. Il
se peut qu’elle soit assimilée aux flabella, à la sedia gestatoria, à un contrôle des pensées par le Vatican, ou même à une atteinte à notre liberté de conscience.
En fait, c’est avant tout un simple signe d’amour du Seigneur pour Son Église.
En premier lieu, l’infaillibilité pontificale ne doit point être
confondue avec l’impeccabilité. La plupart des gens le comprennent, mais il y a toujours quelqu’un pour affirmer que les Catholiques doivent croire que le Pape ne peut pécher. En vérité,
l’infaillibilité n’a rien à voir avec l’absence de péchés. C’est un charisme, un don que Dieu transmet. Et bien que cela soit appelé « infaillibilité pontificale », c’est un charisme
partagé par tous les Évêques Catholiques. Ceux-ci ne l’ont pas individuellement, mais ils l’exercent lorsqu’ils enseignent en unité avec le Successeur de St. Pierre. Cela est défini dans
Lumen Gentium, N. 25, La fonction d’enseignement des Évêques :
« Quoique les évêques, pris un à un, ne jouissent pas de la prérogative de l’infaillibilité, cependant, lorsque, même dispersés à travers le monde, mais
gardant entre eux et avec le successeur de Pierre le lien de la communion, ils s’accordent pour enseigner authentiquement qu’une doctrine concernant la foi et les mœurs s’impose de manière
absolue, alors, c’est la doctrine du Christ qu’infailliblement ils expriment. La chose est encore plus manifeste quand, dans le Concile œcuménique qui les rassemble, ils font, pour l’ensemble de
l’Église, en matière de foi et de mœurs, acte de docteurs et de juges, aux définitions desquels il faut adhérer dans l’obéissance de la foi ».
Malgré le mythe utilisé et réutilisé par certains, le Pape ne se lève pas
le matin en se disant « Je vais proclamer quelque chose infailliblement aujourd’hui », pas plus que les Catholiques ne vivent dans un Église de roman dans laquelle ils doivent croire
« six choses impossibles avant le petit-déjeuner ».
Qu’est-ce donc que cette infaillibilité pontificale ? Elle est
définie dans la Première Constitution Dogmatique Pastor Aeternus, Chapitre IV, N.9 :
« C'est pourquoi, nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès l'origine de la foi chrétienne, pour la gloire de Dieu notre Sauveur, pour
l'exaltation de la religion catholique et le salut des peuples chrétiens, avec l'approbation du saint concile, nous enseignons et définissons comme un dogme révélé de Dieu :
Le Pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu
de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l'Église, jouit, par l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de
cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont
irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Église. ».
Cela a été confirmé par les Pères du Concile Vatican II dans
Lumen Gentium, N. 25 :
« Cette infaillibilité, dont le divin Rédempteur a voulu pourvoir son Église pour définir la doctrine concernant la foi et les mœurs, s’étend aussi loin
que le dépôt lui-même de la Révélation divine à conserver saintement et à exposer fidèlement. De cette in faillibilité, le Pontife romain, chef du collège des évêques, jouit du fait même de sa
charge quand, en tant que pasteur et docteur suprême de tous les fidèles, et chargé de confirmer ses frères dans la foi (cf. Lc 22, 32), il proclame, par un acte définitif, un point de doctrine
touchant la foi et les mœurs. C’est pourquoi les définitions qu’il prononce sont dites, à juste titre, irréformables par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église, étant prononcées
sous l’assistance du Saint-Esprit à lui promise en la personne de saint Pierre, n’ayant pas besoin, par conséquent, d’une approbation d’autrui, de même qu’elles ne peuvent comporter d’appel à un
autre jugement. Alors, en effet, le Pontife romain ne prononce pas une sentence en tant que personne privée, mais il expose et défend la doctrine de la foi catholique, en tant qu’il est, à
l’égard de l’Église universelle, le maître suprême en qui réside, à titre singulier, le charisme d’infaillibilité qui est celui de l’Église elle-même. L’infaillibilité promise à l’Église réside
aussi dans le corps des évêques quand il exerce son magistère suprême en union avec le successeur de Pierre. À ces définitions, l’assentiment de l’Église ne peut jamais faire défaut, étant donné
l’action du même Esprit Saint qui conserve et fait progresser le troupeau entier du Christ dans l’unité de la foi. »
Le dogme de l’infaillibilité pontificale n’est pas apparu abruptement au
XIXe S. Il se trouve, de façon implicite, depuis les premiers jours de l’Église, et a ses fondations dans les Sainte Écritures. Dans l’Évangile selon Saint Jean (21 ; 15-17), le Christ fait
comprendre clairement à St. Pierre que c’est à lui, Simon-Pierre, de faire paître Ses brebis et nourrir Ses agneaux ; dans l’Évangile selon Saint Luc (22 ; 32) notre Seigneur dit à
Pierre qu’Il priera pour lui, afin que sa foi ne défaille point, et qu’il affermisse ses frères ; dans l’Évangile selon St. Mathieu (16 ; 18), le Christ proclame que Pierre est la
pierre sur laquelle Il bâtira Son Église.
Notre Divin Sauveur, fondateur de l’Église, Lui a ordonné d’enseigner à
toutes les nations, leur apprenant à observer tout ce qu’Il avait commandé à Ses Apôtres. (Mat., 28 ; 20), et Lui a promis qu’Elle serait guidée dans toute la vérité par l’Esprit Saint
(Jean, 16 ; 13). Comme l’autorité de l’Église, de même que la primauté pétrinienne, était de mieux en mieux comprises, la protection que Dieu Lui garantit fut exprimée par le dogme de
l’infaillibilité. Grâce aux Écritures, et aux grands témoins tels que Sts. Augustin et Cyprien, il devient clair que l’Église a toujours compris que Dieu révèle et conserve Sa Vérité par ce
charisme.
Une idée répandue, mais fondamentalement erronée, est que l’Église ne
commence à croire en une Vérité de Foi qu’à partir de sa promulgation, et donc que l’infaillibilité pontificale était inconnue avant 1870. En fait, l’affirmation infaillible n’intervient
généralement que lorsqu’une croyance est remise en question (pour l’infaillibilité pontificale, par les gallicans et les partisans de la hiérarchie schismatique d’Utrecht dont
certains fonderont les « Églises » vétéro-Catholiques, note du traducteur). La vérité est que la plupart des croyances de l’Église n’ont jamais été remises en cause par
une majorité de Catholiques, et donc n’ont jamais demandé d’affirmation formelle et infaillible. Nous nous rendons compte de cela en feuilletant le Catéchisme : la
plupart des croyances exposées dans ses pages ne comportent pas de renvoi à un document pontifical confirmant ce qui fait tout simplement partie du Magistère ordinaire de l'Église.
Si nous grattons la surface de la plupart des arguments
opposés au dogme de l’infaillibilité pontificale, nous trouvons la plupart du temps une confusion entre l’infaillibilité et l’impeccabilité (« Il y eut des Papes pécheurs au cours de
l’histoire ») ainsi qu’une propension à l’indépendance de pensée (« personne ne doit me dire ce que le dois croire »). Ce qui est tout à la fois étonnant et amusant, c’est que les
plus féroces contempteurs de l’infaillibilité pontificale présentent leurs arguments avec une certitude qui ne peut qu’être qualifiée d’infaillible à leurs yeux.
Nous n’avons pas besoin d’une foi à déplacer des montagnes pour accepter que Dieu, Qui a créé le monde et ressuscité des morts, veille également à
ce que Ses enfants connaissent la Vérité. Que le Seigneur protège et inspire Son Vicaire sur Terre lorsque celui-ci proclame solennellement une Vérité est issu des Évangiles, et de la Tradition
ininterrompue de l’Église. Le dogme de l’infaillibilité pontificale doit nous apporter une grande consolation en cette vallée de larmes, parce que c’est un indescriptible acte d’amour de Dieu
pour les hommes.
