L'humeur d'un cérémoniaire du dimanche... Sujets de fond et sautes de caractère.
Métallica ? Certes non. Le Carême est une période idéale pour écouter de la bonne musique sacrée, de préférence en accord avec ce temps liturgique. Voici une petite compilation extraite de ma large discothèque. Ici sont proposées non seulement des œuvres remarquables, dans la meilleure interprétation possible et la plus authentique, à savoir pour la musique sacrée par des chœurs de garçons et sur instruments anciens.
Tout d’abord, le Miserere de Gregorio Allegri, dans l’interprétation légendaire du King’s College Choir de Cambridge de 1963. C’est une compilation de musique sacrée pour le Carême qui fit redécouvrir cette œuvre autrefois méconnue. Ce chœur est connu pour la pureté de ces voix (il est le parangon de l’école chorale anglais), et l’interprétation planante qu’il fait du psaume du Vendredi Saint est merveilleuse. Un seul regret : il est chanté en anglais et non dans sa version originale en latin. Sur le même disque vous trouverez également des pièces de musique mariale de GP da Palestrina.
Nous partons vers les frimas de la Saxe : le second disque de cette liste est les 7 dernières paroles du Christ en Croix de Heinrich Schütz, dans sa version par le Dresdner Kreuzchor. C’est évidement la version la plus intéressante, car c’est ce même chœur que Schütz a dirigé il y a 400 ans lorsqu’il était maitre de chapelle à la cour des rois de Saxe. Le directeur ayant conduit cet enregistrement datant de 1968, Rudolf Mauersberger, est également entré dans la légende pour avoir réussi à maintenir le chœur à travers la politique anticléricale du gouvernement est-allemand.
Un grand classique de la musique française, qu’il n’est plus besoin de présenter : le requiem d’André Campra, maitre de chapelle à Notre-Dame de Paris au XVIIe S. L’interprétation de la maitrise des pages de la chapelle royale de Versailles, sous la direction de Jean-Claude Malgoire, s’impose.
Un deuxième requiem, autrichien celui-ci, dont le compositeur est Anton von Biber. Une très belle œuvre, dont l’orchestration à l’ancienne (cornets à bouquin, trombes…) met en valeur les voix des Petits Chanteurs de Vienne.
Deux Stabat Mater, dont les compositeurs ne sont pas à présenter : Pergolèse et Vivaldi. Préférer pour leur exactitude historique et également parce que ce sont à mon avis les meilleures sur le marchés, les interprétations de Sebastian Hennig (garçon soprano) et René Jacobs (contre-ténor) pour le premier, et de Francisco Lopez Braojos, garçon soprano particulièrement prometteur chantant dans la maitrise du monastère de l’Escorial, pour le second.
Il a une si belle voix que je ne peux résister à en donner un extrait:
Nous arrivons au maitre, dont la musique transcende celle de tous ses prédécesseurs, contemporains et successeurs, Jean-Sébastien Bach. Ses Passions s’imposent comme des chefs d’œuvre absolus de religiosité profonde, de digne émotion, de dramatisme mesuré. Choisir pour la Passion selon Saint Jean l’interprétation du New College Choir sous la baguette d’Edward Higginbottom, et pour la Passion selon Saint Matthieu, celle issue de la collaboration des maitrises de garçons de Ratisbonne, Cambridge et Vienne sous la direction de Nikolaus Harnoncourt.
Nous allons sauter la période appelée « classicisme viennois ». Non pas que les œuvres produites sous cette période aient peu de valeurs (on ne peut pas ne pas aimer le requiem de Mozart ou les 7 paroles de Haydn), mais ces « douceries opératiques rococo » (dixit Igor Stravinsky) cadrent mal avec la Semaine Sainte.
Je vous propose un disque de motets a cappella d’Anton Bruckner, pas spécialement dédié au temps du Carême, mais comportant beaucoup de pièces pour cette période (Christus factus est, Vexila regis…) dans l’interprétation millimétrée d’un chœur de garçons londonien, qui gagnerait à être mieux connu pour son exceptionnelle qualité : la maitrise de l’abbaye d’Ealing. C’est aussi un des rares chœurs de garçons anglais qui soit Catholique.
À la charnière entre le XIXe et le XXe siècle, deux compositeurs français nous ont gratifiés de requiem fabuleux, d’une composition subtile évoquant le deuil avec pudeur et émotion : Gabriel Fauré et Maurice Duruflé. Et, ironie du sort, la meilleure interprétation possible de ces deux chefs d’œuvre est anglaise ! La maitrise du New College d’Oxford les a enregistrés tout les deux, avec un orchestre de chambre, ce qui dans les deux cas est conforme au premier souhait des deux compositeurs.
Enfin, pour terminer, j’aimerais vous faire découvrir deux oratorios méconnus, œuvres de musiciens anglais relativement mineurs de la fin du XIXe S, John Stainer et John Henry Maunder. Le premier a baptisée son œuvre tout simplement La Crucifixion, le second Du jardin des Oliviers au Calvaire. Il s’agit d’œuvres relativement faciles, destinées aux chœurs paroissiaux du pays, mêlant cantiques populaires, chœurs composés sur le mode du choral, et arias très mélodiques, conformément aux goûts musicaux du temps. Le maitre de chapelle Barry Rose donne à ces œuvrettes victoriennes de circonstance une toute autre dimension en les faisant chanter par la maitrise de garçons de la cathédrale de Guildford. Ce chef de chœur anglais qui est resté dans les annales pour ses qualités musicales et humaines (il était relativement connu du public, passant fréquemment sur les ondes de la BBC) a créé lui-même vers 1950 le chœur de cette cathédrale construite dans les années 30, et lui a laissé son empreinte, celle d’un mélange parfait des voix de jeunes garçons, créant une cohésion vocale rarement atteinte.
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