L'humeur d'un cérémoniaire du dimanche... Sujets de fond et sautes de caractère.
Le titre de cet article peut paraitre surprenant : quoi, des Prêtres mariés dans l’Église Catholique ? Les plus au courant sauront peut-être que certaines Églises Catholiques orientales ont conservé cette discipline, en ayant développé une différente à l’époque où l’Église Latine passe de la continence parfaite au célibat sacerdotal proprement dit. Mais nous parlons bien ici de Prêtres de l’Église Latine, de rite Romain.
En effet, l’Église Catholique Romaine en Angleterre, aux États-Unis et en Australie compte parmi ses Prêtres des hommes mariés, souvent pères de famille. Comment cela est-il arrivé ?
Il faut tout d’abord comprendre que le célibat sacerdotal n’est pas un dogme, un article de Foi ou que sais-je encore, mais une discipline, une tradition. C'est-à-dire que l’Église en est maitresse et peut y déroger, et y apporter des réformes (Elle doit cependant le faire avec prudence). Un exemple important de cette capacité de l’Église à changer sa discipline lorsqu’elle y voit un réel besoin est l’introduction du diaconat permanent par le Motu Proprio de Paul VI Sacrum diaconatus ordinem du 18 Juin 1967. Mais la règle reste, pour les diacres transitionnels comme pour les Prêtres non concernés par des mesures particulières, le célibat tel qu’en dispose Sacerdotalis caelibatus.
L'Abbé Bart Stevens, sa femme et ses enfants.
Il y a donc par exception des Prêtres mariés dans le monde Anglo-Saxon car l’Église y a vu une réponse à un besoin, bien plus, la meilleure réponse à apporter à la question. Quelle question ? Celle des ministres de communautés ecclésiales séparées se convertissant au Catholicisme, et dotés par le Seigneur d’une véritable vocation au sacerdoce. Il s’agit principalement d’ex-Anglicans, mais on trouve aussi d’anciens luthériens et des membres de communautés de théologie calviniste. Ce mouvement s’est engagé dans les années 80 aux États-Unis, où devant la déréliction de leur « Église », de nombreux ex-Prêtres Anglicans de la tendance « Haute-Église » se retrouves laïcs sur les bancs des églises Catholiques.
Face à cela, le Pape Jean-Paul II a édicté en 1983 une Provision Pastorale permettant, entre autre, l’ordination d’hommes mariés dans l’Église Latine, pourvu que ceux-ci aient derrière eux une expérience pastorale conséquente, et après une formation accélérée. Cette mesure est tant une mesure d’humanisme envers ces hommes n’ayant pas choisi entre leurs vocations à la Prêtrise et au mariage, qu’un palier dans l’œcuménisme de retour, car servant également à recevoir de façon constituée dans l’Église des paroisses anglicanes, curé (marié) en tête.
Aujourd’hui, on compte une centaine de Prêtres mariés aux États-Unis d’Amérique, et une poignée au Royaume-Uni et en Australie (on ne peut les dénombrer dans ces deux derniers pays, car ils ne sont répertoriés qu’en tant qu’anciens Prêtres Anglicans, et dans cette catégorie la majorité est célibataire). Pour le futur, attendons-nous à l’augmentation de leur nombre tant grâce à la constitution apostolique Anglicanorum Coetibus qu’à cause de la déréliction des « Églises » réformées historiques qui avaient exploré dans le passé une sorte de Catholicisme culturel sans Pape.
Quel effet cet assouplissement de la règle disciplinaire peut-il avoir sur la vie de l’Église aujourd’hui ? Nous pouvons regarder cela avec un certain recul, puisqu’une première génération de Prêtres mariés de rit Latin à l’époque moderne est déjà enterrée : Mgr. Graham Leonard, ex-Évêque Anglican de Londres en a été le porte-drapeau jusqu’à son décès en 2004.
L'Abbé Dwight Longenecker au jour de son ordination avec sa femme et ses enfants.
Les crispations viennent, on s’en doute, du côté conservateur qui voit en cette dérogation une menace pour la discipline traditionnelle de l’Église. Seulement cette appréhension provient de deux a priori démentis supra qu’il faut bien qualifier de faux, primo que le célibat sacerdotal est intangible, secundo que cette dérogation ouvre la porte à une large acceptation du clergé marié dans le rit Romain. De façon plus surprenante, les partisans de la suppression du célibat sacerdotal et les Prêtres Catholiques ayant quitté le ministère pour se marier font montre d’une singulière agressivité envers les bénéficiaires de cette provision : Les premiers veulent des Prêtres mariés, mais pas ce genre de Prêtres d’un profil très orthodoxe, conscients d’être des exceptions vivantes, refusant tout tapage autour de leur famille et toute récupération de leur situation. Quant aux seconds ils y voient une injustice. Seulement ils ont torts, car les situations diffèrent grandement. Les défroqués-mariés, bien qu’il ne faille pas les clouer au pilori, ont renoncé à leurs vœux solennels d’ordination, ce qui est une faute. La situation du clergé protestant converti est toute différente : par amour de l’Église ces hommes ont tout perdu (au sens propre, un Prêtre épiscopalien avec famille par exemple perdant une semaine après l’annonce de sa conversion son salaire, sa retraite et sa maison), et il n’y a point de faute dans leur engagement matrimonial. Cette différence de situation justifie la différence de traitement de la part de l’Église.
L'Abbé Prentice Dean et sa femme.
En paroisse, les Prêtres mariés sont généralement bien reçus : ils sont jeunes, orthodoxes, et ont déjà une expérience pastorale dans des conditions difficiles derrière eux. Leurs femmes et leurs enfants, passé l’étonnement de la découverte, s’intègrent bien dans les communautés. Il ne faut certes pas généraliser, mais nos Prêtres mariés ont fréquemment de très grandes familles, et sont une image vivante de félicité dans le mariage. Les frictions famille/ministère sacerdotal existent évidemment, mais ils en ont déjà l’expérience derrière eux, et d’un certain point de vue, leurs deux vocations à la Prêtrise et au mariage menées de front se soutiennent mutuellement. Il faut mentionner que les Prêtres mariés sont rémunérés à égalité avec les autres Prêtres diocésains, ce qui peut représenter une difficulté lorsqu'on a une large famille à soutenir.
Il existe cependant une dernière distinction, malheureuse à mon sentiment, qui sépare ces Prêtres mariés de leurs confrères célibataires : seule une poignée d’entre eux, lorsque les circonstances (grave manque de vocations ou paroisse se convertissant en masse) l’ont finalement exigé est parvenue à atteindre la fonction de curé. Et encore, lorsque c’est le cas, ils sont généralement curés de toutes petites paroisses.
Il y a beaucoup de références en langue anglaise sur l'internet à propos de ces Prêtres. Ici, une petite sélection de quelques parcours personnels (en anglais):
New Catholic Priest brings wife, kids with him
Portland Archidiocese's only married Priest dies at 66
Former Lutheran to be Sacramento diocese's first married Priest
Married father of eight ordained a
Catholic Priest for Pennsylvania diocese