Par l’Abbé Christopher Phillips, curé de la paroisse Our Lady of the Atonement, Archidiocèse de Galveston-Houston, Texas. Traduction de Louis-Marie L.H.
Mgr. Fulton Sheen est connu pour avoir dit notamment « Il n’y a pas plus d’une centaine de personnes aux États-Unis détestant l’Église Catholique. Mais il y en a des millions qui détestent ce qu’ils croient faussement être l’Église Catholique. » Il faisait allusion non seulement à l’institution, mais aussi à la doctrine de l’Église. (…)
Par où commencer ? Peut-être par le dogme marial de l’Immaculée Conception, qui paraît faire l’effet d’un drapeau rouge sur certaines personnes. J’ai entendu des théories selon lesquelles il traduirait « une emphase malsaine de la Vierge de Nazareth » ou serait « une addition romano-romaine à la Foi ». Voyons cela. Ceci ne sera pas une étude exhaustive, mais aidera sûrement à clarifier la place de la Bienheureuse Vierge Marie dans le plan de Dieu pour nous sauver.
Premièrement, il ne devrait pas être nécessaire de préciser (mais je vais le faire quand même !) ce que le dogme de l’Immaculée Conception n’est pas. Il ne se réfère pas à la conception du Christ dans le ventre de la Vierge Marie, pas plus qu’il n’implique que Marie ait été d’une façon ou d’une autre conçue miraculeusement. Marie a été conçue de la façon la plus normale comme le fruit naturel du mariage de Sts. Joachim et Anne, seulement, au moment de Sa conception, Elle a été préservée du péché originel et de sa tache. Comme nous le savons, le péché de nos premiers ancêtres Adam et Ève est devenu leur amer legs à nous, leurs descendants. Le péché original nous prive de la Grâce sanctifiante, et la tâche de ce péché originel corrompt notre nature humaine. Par la Grâce divine, donnée au moment de Sa conception, Marie a été préservée de ces défauts, de sorte que, depuis le premier instant de Son existence, Elle avait la plénitude de la Grâce sanctifiante, et n’était pas écrasée par la nature corrompue du fait du péché originel et de ses effets. Ainsi, Marie est devenue une « seconde Ève », conçue dans le même état de pureté originelle que celui dont Dieu voulait pour l’humanité.
Pourquoi Dieu aurait-il fait cela ? La raison, nous la professons à chaque Credo. Chaque fois que nous confessons que Jésus Christ « a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie », nous proclamons que Dieu s’est fait chair Lui-même. Et de qui l’a-t-Il prise, cette chair ? De Marie. Subséquemment, la question devrait-être : « Dieu, qui ne peut avoir part au péché, aurait-il pu prendre chair de ce qui est déchu, maculé, et corrompu ? » La réponse est immédiate : bien sûr que non. En conséquence, nous le voyons déjà, le dogme de l’Immaculée Conception a partie liée avec notre Seigneur Jésus Christ, comme avec la Bienheureuse Vierge Marie. De fait, lorsque nous passons en revue les différents dogmes mariaux, nous retrouvons cela systématiquement. Ce que fait Dieu en et par Marie trouve ses fins ultimes en Jésus Christ.
Nous trouvons une forte référence implicite à l’Immaculée Conception dans Luc, I, 28. Dans le texte grec original, lorsque l’Archange Gabriel s’adresse à la jeune Vierge Marie, le mot utilisé est kecharitomene, ce qui exprime une qualité caractéristique de Marie, à savoir qu’elle est « pleine de Grâce ». Dans certaines traductions des Écritures, les mots de Gabriel sont rendus pas « hautement favorisée », mais même cette traduction ne peut en rendre la signification la meilleure et la plus entière. Kecharitomene est le participe parfait passif de charitoo, qui signifie remplir (ou doter) de grâce, et cet emploi du parfait par le grec indique que Marie a été remplie de Grâce dans le passé, et que cela se perpétue dans le présent. Si nous acceptons la relation par Luc des mots de l’Archange, il est apparent que la Grâce reçue par la Vierge Marie n’est pas une conséquence de l’Annonciation, au contraire, Marie en a toujours été remplie.
Qu’en est-il des mots du Magnificat, lorsque la Vierge Marie dit « mon esprit tressaille de joie en Dieu, mon Sauveur»* ? Si Elle n’a jamais péché, pourquoi aurait-elle besoin d’un Sauveur ? Il faut se souvenir que Marie est une humaine, une descendante d’Adam et Ève. Lorsqu’Elle a été conçue, Elle a certainement dû être assujettie au péché originel, comme nous tous. Mais Elle a été préservée de cela, et comment ? Par la Grâce. Marie a été rédimée par la Grâce du Christ, mais d’une façon très particulière : par anticipation. Une comparaison a été utilisée par l’Église pour illustrer cela : Un homme tombe dans un grand trou, et quelqu’un y descend pour l’en sortir. L’homme a été « sauvé » du trou. Une femme se dirige vers ce même trou, et alors qu’elle est au bord d’y tomber, au dernier moment, quelqu’un survient et l’en empêche, la ramenant sur le sol ferme. Elle aussi a été « sauvée » du trou. Mais elle ne s’est jamais salie de boue, contrairement au pauvre homme qui est tombé au fond. Dieu, qui se tient en dehors du temps, a permit que Marie soit sauvée par la Grâce salvatrice du Christ avant même d’être maculée par le péché originel, comme la femme de la parabole du trou qui ne s’est pas salie de boue, car elle a été sauvée avant d’y tomber. Par conséquent, oui, Marie a un Sauveur, qui n’est autre que Jésus, Son Fils et Son Seigneur.
On nous oppose aussi Romains, III, 23, où Saint Paul écrit que « il n'y a point de distinction, car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu »*. Saint Paul aurait-il voulu que cette phrase soit comprise de façon à n’exclure absolument personne ? Voyons-voir : Premièrement, nous devons bien sûr en exclure Jésus, qui bien qu’entièrement homme, nous le savons, n’a jamais péché. Et un nouveau-né ? Si le péché est la désobéissance volontaire à la Loi divine, serait-il possible de dire qu’un bébé pèche ? Je ne le pense pas. De fait, Saint Paul proclamait là une vérité à propos de l’humanité en général, dans le but de construire la doctrine de l’Église en matière de Loi divine, de Grâce, de justification et de rédemption, et non pas dans celui de discuter des exceptions possibles. Si quelqu’un veut appliquer l’argumentation de Saint Paul Romains, III, 23 à la Vierge Marie, il devra aussi l’appliquer aux bébés et jeunes enfants.
Parfois certaines personnes objectent au dogme de l’Immaculée Conception en utilisant cet argument : « Si nous affirmons que Marie est sans péché, nous la plaçons sur un pied d’égalité avec Dieu, car seul Dieu est sans péché ». Cependant, il faut se souvenir de ce qu’Adam et Ève, au commencement du monde, avaient été créés sans péché, quoique non égaux à Dieu. De même, les Anges furent créés sans péché, et si d’après les Écritures nous savons que certains Anges ont finalement commis des péchés (Lucifer et ses affidés) cela signifie aussi que la plupart n’ont jamais péché. Et ils n’étaient sûrement pas égaux à Dieu.
De façon tragique, après la chute de nos premiers aïeux, le péché est devenu une chose commune, et même attendue. De fait, nous nous disons souvent, après avoir fait le mal : « Après tout, je ne suis qu’un homme », comme si le péché était naturel, et d’une certaine manière définissait l’humanité. En réalité, le péché est antinaturel. Nous n’avons pas été créés pour lui, mais pour connaître Dieu, L’aimer, et passer l’éternité avec Lui dans les Cieux. Avec Marie, par l’Immaculée Conception, nous avons un être humain qui est comme Dieu souhaitait que nous fussions tous. Ce qui a été mutilé par le premier Adam et la première Ève est restauré par le nouvel Adam et la nouvelle Ève.
En conclusion, l’Immaculée Conception est logique, est légitimée par les Écritures, et fait partie du plan d’amour de Dieu pour notre rédemption.
* Traduction Crampon de la Bible.