L’Église Catholique en Asie Centrale
Les premiers Chrétiens, des Nestoriens, apparurent en Asie Centrale, le long de la Route de la Soie, au IIIe Siècle, et évangélisèrent largement la région. Selon
les sources historiques, ils y avaient établis deux patriarcats sous le règne de l’Empereur de Chine Tai Tsung de la dynastie Tang, en l’an 635. Cependant, ce n’est qu’au XIIIe Siècle que la
christianisation de l’Asie Centrale atteint son apogée avec l’arrivée des Franciscains et des Dominicains, qui fondèrent des monastères dans ces espaces sans frontières, en suivant la Route de la
Soie. C’est à la même époque que les premiers Évêques apparurent. Des relations diplomatiques s’établirent entre le Saint-Siège, le Grand Khan, et d’autres potentats locaux. L’érection de la
province franciscaine de Terre-Sainte en 1217 fut décisive en ce qu’elle permit l’accroissement des missions franciscaines. Elles eurent pour résultat la conversion et le baptême de nombreux
khans, rois, nobles de hauts rang, ce que entraina celle d’une grande partie de la population. Par exemple, le prince tartare Satar, fils du Khan Batia, devint Chrétien aux alentours de
1254.
C’est alors que le Pape Nicolas III organisa la jeune Église en lui donnant une structure diocésaine, confiée au franciscain Gérard de Prato en 1278.
Malheureusement, la conquête progressive de l’Islam dans la région empêcha la christianisation complète de l’Asie Centrale. Les monarques philo-chrétiens furent tous détrônés, et des dynasties
islamiques prirent le pouvoir. Le travail missionnaire des Franciscains cessa brutalement en 1342, lorsque le Khan Ali détruisit le monastère de la ville épiscopale d’Almalik et fit mettre à mort
son Évêque, Richard de Bourgogne, et six moines Franciscain pour leur refus d’apostasier. D’instantes demandes furent envoyées à Rome afin d’obtenir de nouveaux Évêques en Asie Centrale, mais
sans résultats, en raison de la difficulté des temps pour l’Église. La Chrétienté d’Asie Centrale fut donc condamnée, mais le sang de ces martyrs fertilisa le sol pour la future renaissance de
l'Église dans la région, six siècles et demi plus tard.
À l’époque où la Russie annexa progressivement l’Asie Centrale, l’Impératrice Catherine la Grande se préoccupait beaucoup du bien-être spirituel des colons, souvent
allemands ou néerlandais, qui repoussaient les frontières de l’Empire dans ces régions à cette époque. Elle fit ériger en 1783 le diocèse latin de Moguilev, couvrant toute la Russie, permettant
aux Catholiques de rite romain d’échapper à la prégnance pesante de la religion d’État, l’Église Orthodoxe. En 1847, un second diocèse russe de rite latin fut établi à Saratov, en Russie
septentrionale, bien que portant le titre de « diocèse de Tiraspol » (en Moldavie) pour ménager les susceptibilités des Pravoslaves. Il couvrait le sud de l’Ukraine et de la Russie, et
l’Asie Centrale. On peut citer son Baron-Évêque Édouard von der Ropp comme très attaché à la propagation de la Foi dans ces régions. Ce fut lui qui posta des Prêtres et fit construire des églises
dans les grandes villes de ce qui est alors le Turkestan russe pour le soin des âmes des colons polonais, allemands de la Volga, biélorusses, baltes, ukrainiens…
L’église Catholique d’Achgabat (Turkménistan) avant la révolution d’Octobre et sa transformation en entrepôt, puis sa destruction en 1948.
À partir de la révolution russe d’Octobre 1917, les soviets détruisirent en quelques années toutes les structures de l’Église Catholique, et le Turkestan russe fut
instantanément touché, les communistes prenant le contrôle de la région dès 1918. C’est à ce moment qu’on cesse de parler de Turkestan pour parler des RSS du Kazakhstan, du Turkménistan,
etc.
Paradoxalement, le gouvernement soviétique contribua grandement à l’augmentation du nombre de Catholique dans la région en y déportant la plupart des allemands de
la Volga ainsi que de nombreux ukrainiens et biélorusses. Ces nouvelles populations furent d’abord détenues dans d’immenses camps de concentration, puis libérées par la déstalinisation, mais
assignées à résidence dans les villes-nouvelles jouxtant les camps. Dans ces déportations des milliers de personnes consacrée et laïques trouvèrent la mort, il s’agit sans doute de la
persécution la plus large de tous les temps contre les Chrétiens.
Quelques uns des innombrables martyrs des camps de la mort du Kazakhstan: Les Bienheureux Mgr. Budka, Evêque auxiliaire de Lviv, Abbé Zarytsky de l'éparchie de
Lviv, et Soeur Rose du Coeur de Marie, dominicaine russe. Ils étaient tous trois de rite oriental.
Chez les survivants une « Église du silence » s’organisa rapidement. Sous la houlette de Mgr. Alexandre Chira (+ 1983), Évêque de Moukhatchevo des
Gréco-Catholiques en Ukraine, déporté à Karaganda (mais qui ne révèlera son statut épiscopal qu'en 1980), c’est un véritable diocèse clandestin qui se déploie sur le territoire des 5 Républiques
Soviétiques d’Asie Centrale, le Kazakhstan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan, le Kirghizistan, et le Tadjikistan.
Mgr. Alexandre Chira, Évêque de Moukhatchevo. Sa devise était : « Je laisse mon corps à la terre, mon âme à Dieu, mais mon cœur à
Rome ».
Clergé Catholique au Kirghizistan, années 60
Les conditions de vie sur place étant difficilement supportable, les gouvernements locaux permirent en compensation une activité religieuse minimale à partir de la
fin des années 60. Certaines paroisses purent alors se faire enregistrer officiellement et disposer d’un clergé opérant certes discrètement, mais au grand jour tandis que d’autres restaient
clandestines, se voyant refuser leur enregistrement. C’est ainsi qu’à Karaganda, principale ville Catholique et allemande du Kazakhstan, une église est construite en 1977.
La première église de Karaganda. Le clocher a été construit dans les années 90.
La Messe en allemand à l’église de Douchanbé dans les années 80.
Cependant les conditions varient de lieu en lieu : L’église de Frounzé (ci-dessous) au Kirghizistan est détruite sur ordre du gouvernement local en
1961.
Les fidèles étaient principalement allemands, ou dans une moindre mesure polonais, biélorusses et ukrainiens. Malgré la difficulté des temps, il faut souligner que
l’Asie Centrale a donné plusieurs dizaines de vocations de religieuses et une dizaine de Prêtres à l’Église Universelle, ordonnés en Lituanie ou en Lettonie. Deux Évêques actuels, Mgr. Werth de
Novossibirsk et Mgr. Schneider, auxiliaire de Karaganda sont nés dans la région. Un nouvel ordre de religieuses a même été établi au Kazakhstan dans les années 70, et on trouve désormais ces
religieuses partout en ex-URSS!
La chute du régime soviétique, pour positive qu’elle fut, mit l’Église d’Asie Centrale face à de nouveaux défis : ces pays, séparés de la Russie se sont avérés
être extrêmement pauvres et instables, ce qui causa le départ de centaines de milliers d’allemands pour un mère-patrie dont ils étaient séparés depuis des dizaines de générations, laissant les
paroisses quasi-vides.
Une famille d’allemands à la veille de quitter le Tadjikistan pour l’Allemagne, années 90.
L’Église répondit à ces défis tout d’abord en affirmant son existence : le 13 Avril 1991, le Pape Jean-Paul II érige l’Administration Apostolique du Kazakhstan
et d’Asie Centrale, large de 4 millions de kilomètres carrés, avec à sa tête Mgr. Jan-Pavel Lenga, un ukrainien qui devint, 649 ans après, le successeur immédiat de Richard de Bourgogne.
Mgr. Lenga, maintenant Évêque de Karaganda.
Un des défis urgents du nouvel Évêque fut de trouver des missionnaires à envoyer dans les paroisses désertées par les allemands et leurs Prêtres. En effet, s’il en
reste encore 300 000 en 1999 au Kazakhstan, dans les autres républiques ces communautés avaient complètement disparu. Cela fait, des structures missionnaires (missions sui juris, et
administrations apostoliques) furent établies dans chaque pays en 1997. Le Kazakhstan, dont l’évangélisation est plus avancée, a reçu une organisation diocésaine entre 1997 et 1999, et le Pape
Jean-Paul II y a effectué une visite en 2001.
Le Saint-Père Jean-Paul II et l'(inamovible) président kazakh, Noursoultan Nazarbaev.
Qui sont les fidèles désormais ? Il est clair qu’on ne peut plus parler d’ « Église allemande » comme auparavant. Parmi les 400 000
Catholiques du Kazakhstan subsistent de nombreux allemands, côte à côte avec de nouveaux Catholiques d’origine slave ou locale, tandis qu’ailleurs ce sont ces derniers qui forment le gros des
(petites) troupes. Ce sont des Églises locales jeunes, dynamiques, et très missionnaires qui savent qu’elles ont tout l’avenir devant elles pour croitre et porter du fruit.
Il faut aussi souligner que le Kazakhstan jouit d’une grande avance en matière de vocations, ayant depuis 1998 un séminaire sur son territoire formant au
sacerdoce des jeunes gens locaux pour toute l’aire géographique, dont certains font partie des ethnies autochtones. Le premier Prêtre d’ethnie kazakhe, l’Abbé Rouslan Rahimberlinov, est Prêtre
diocésain à Oust-Kamenogorsk, dans le diocèse de Karaganda. Dans les autres républiques, des Prêtres et Évêques missionnaires prennent soin de petits troupeaux
qui ne cessent de croitre. Le manque de Prêtre se fait particulièrement ressentir dans ces grands espaces où toutes les demandes d’établissement de paroisses ne peuvent se concrétiser, et où il
faut voyager pendant des heures pour se rendre à la chapelle de fortune la plus proche, parfois distante de plus de 200 Km de l’église paroissiale principale.
On compte également un nombre substantiel de Gréco-Catholiques dans le pays, car Mgr. Chira, bien que pasteur d’une communauté majoritairement de rite romain, était
resté fidèle au rit byzantin.
L’ancienne et la nouvelle église Gréco-Catholique de Karaganda.
Il faut aussi compter avec le fait que ces pays, quoique largement laïcs, sont de traditions musulmanes. Concrètement, les élites politiques et religieuses voient
d’un mauvais œil ce qu’elles taxent de « prosélytisme ». Si la liberté de religion, malgré quelques atteintes, n’est pas menacée au Kazakhstan, ce n’est pas le cas dans certaines autres
républiques où devenir Chrétien peut signifier s’exposer aux persécutions d’État. L’islam local étant très fortement encadré par les institutions gouvernementales, le terrorisme islamique
est pour l’instant rare. L'Eglise Catholique n'est jusqu'ici pas sévèrement persécutée, contrairement aux mouvements protestants que les Etats cherchent à éliminer systématiquement de leurs
territoires.
La jolie église paroissiale St. Roch de Kourgan-Toubié, Tadjikistan.
La majestueuse nouvelle cathédrale de Karaganda.
Une Eglise pauvre: la mission d'Aktaou (Kazakhstan) ne possède absolument rien et loue une salle vide les Dimanches
avec Messe.
Messe chez une personne privée: c'est la norme dans bien des points de mission.
La toute petite cathédrale de Bichkek et l'Administrateur Apostolique du Kirghizistan, Mgr. Nikolaus Messmer.
La belle cathédrale de Tachkent, survivante du vandalisme des communistes, et le souriant Administrateur Apostolique de l'Ouzbékistan, Mgr. Jerzy
Maculewicz.
Une première Communion doublant le nombre de communiants dans la paroisse: des Eglises très jeunes!
La Fête-Dieu et l'Assomption à Douchanbé.
Baptême à Bichkek.
Liens utiles et sources :
L'Eglise au Kazakhstan
L'Eglise au Kirghizistan
L'Eglise en Ouzbékistan
L'Eglise au Tadjikistan
L'Eglise au Turkménistan
Diocèse de Karaganda
Mgr.
Jan-Pavel Lenga: History and current situation of the Church in Kazakhstan
EDA - Eglises d'Asie - Rubrique Asie Centrale
AED - Rubrique Asie et Océanie
Carte des groupes ethniques en Asie Centrale
EWTN: Le Pape au Kazakhstan, documents et discours