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12 novembre 2010 5 12 /11 /novembre /2010 23:56

 

Voici un long article écrit par moi, dans le but de faire comprendre la Constitution Apostolique Anglicanorum Coetibus prévoyant des structures particulières pour les Anglicans dans l'Eglise Catholique. On en a parlé épisodiquement en France, notamment lors de la conversion récente de 5 Evêques, mais les français ne peuvent avoir quasiment aucune clef de déchiffrage de la situation et de la Constitution, puisque ces informations ne sont disponibles qu'en anglais, et éparpillées sur différents sites et blogues. Ce texte se veut donc le plus exhaustif possible, et tente de faire le tour de la situation pour donner aux lecteurs français des informations jusqu'ici inédites dans notre langue. Il se base sur un travail de documentation conséquent, et les connaissances de l'auteur, qui a un intérêt pour corps ecclésiaux issus de la Réforme. Le texte est ardu, technique, et introduit de nombreuses notions inconnues des Catholiques français. Lisez lentement, faite des pauses et utilisez si vous le souhaitez les liens hypertextes (vers des sites officiels, ou dont le sérieux a été vérifié) renvoyant à plus de renseignement sur des points précis, cependant souvent en langue anglaise.

 

 

Anglicanorum Coetibus est une Constitution apostolique du Pape Benoît XVI signée le 4 Novembre 2009 et publiée le 9. Son objet est de fixer les normes permettant de recevoir en groupe des Anglicans dans l’Église Catholique, dans des structures dédiées (des ordinariats, quasi-diocèses), et en leur permettant de conserver une partie de leur patrimoine particulier.

Cet évènement est d’une importance très particulière, parce qu’il crée ce qui ressemble assez fortement à une sorte d’Église orientale avec un rite propre, quoique cette constitution apostolique soit un objet de droit canon non identifié. Cela vous le savez n’arrive que très rarement, les deux précédents plus ou moins assimilables étant les établissements de l’Église Catholique Syro-Malankare en 1932 et de l’Église Catholique Arménienne en 1740.

Il est certainement nécessaire afin d’expliquer cette constitution aux français de commencer par une très brève introduction sur l’anglicanisme, car cette confession chrétienne est fort méconnue par chez nous. (Avant de vous lancer dans l’article, prenez également le temps de lire la Constitution Apostolique). Tout aux plus nos compatriotes savent ils que cette « Église » a été fondée par le roi d’Angleterre Henri VIII afin de pouvoir divorcer et mettre sous sa coupe l’Église anglaise, et qu’encore aujourd’hui le monarque anglais en est la tête. Seulement, cela est en partie faux.

                Aujourd’hui, ce qui s’appelle la Communion Anglicane est constitué de par le monde d’ « Églises » nationales appelées provinces, très indépendantes, l’ « Archevêque » de Cantorbéry (actuellement le Très Révérend Rowan Williams) exerçant une primauté d’honneur. Seule l’ « Église » d’Angleterre (The Church of England) est soumise à la reine Elizabeth II. Les Anglicans se trouvent majoritaires en Angleterre, très nombreux au Nigéria et en Ouganda qui sont respectivement les trois premières provinces de la Communion en terme de fidèles. On en trouve aussi ailleurs au Royaume-Uni et partout dans les anciennes colonies anglaises, l’Australie, les États-Unis, le Canada, Inde, Hong-Kong, Zimbabwe… mais en nombre moindre, et déclinant pour ce qui est de l’Occident. Cette Communion, depuis au moins le XIXe S est traversée par des courants contraires et opposés, les « Anglo-Catholics » et les « Evangelicals ». Pour faire simple, les premiers ont une théologie et une ecclésiologie se rapprochant fortement de celle de l’Église Catholique (ils sont les héritiers directs du Mouvement d’Oxford dont faisait partie le bienheureux cardinal Newman avant sa conversion), alors que les seconds sont d’obédience calviniste épiscopalienne, c'est-à-dire que bien qu’étant des protestants « purs et durs », ils acceptent tout de même un ministère épiscopal.

Mais sur ce sujet ont été écrits de gros bouquins, ces affirmations sont donc nécessairement réductrice aux grandes lignes.

Nous nous poserons, et nous répondrons aux questions du néophyte : Anglicanorum Coetibus pourquoi, pour qui, comment, et après ?

 

I)                     Anglicanorum Coetibus, pourquoi ?

 

La Communion (on devrait plutôt écrire « Communion » entre guillemets, ou encore : soit disant Communion) traverse une crise majeure et multiforme depuis une trentaine d’années. Les divergences entre les différents courants en présence, et l’irruption de l’idéologie du Monde dans les « Églises » la constituant la mènent actuellement sur le chemin de l’atomisation, chemin déjà bien engagé.

On assiste en premier lieu à une atomisation intérieure dans les provinces occidentales, avec un divorce entre le mainstream acquis aux idées du Monde (prêtrise et épiscopat féminin, acceptation totale de l’avortement, du divorce, de l’homosexualité, plus généralement un affaiblissement moral et théologique majeur) et les sections plus conservatrices d’Anglo-Catholics et d’Evangelicals, respectivement acquises à une éthique Catholique ou protestante puritaine, qui tentent de faire front, mais ne peuvent pas réellement s’entendre tellement leurs divergences théologiques sont profondes.  La province états-unienne, l’ « Église » Épiscopale des États-Unis s’est particulièrement distinguée au cours des 30 dernières années par son ultra-progressisme menant à une myriade de schismes créant des communautés de taille moyenne à toute petite.

Cette division intérieure dans les provinces se répercute gravement au niveau de la Communion dans son ensemble, puisqu’il n’y a aucun consensus sur les nouveautés introduites par les « Églises » progressistes occidentales. C’est à ce point que la prétendue Communion n’en est plus une, du fait que de nombreuses provinces d’Afrique et d’Asie, plutôt du bord Evangelical, ont rompue la communion avec les Églises des pays occidentaux. Cette crise de l’anglicanisme qui lui sera peut-être fatale, ou en tout cas le laissera fortement changé (défiguré ?) ne saurait être complètement expliquée par les lignes qui précèdent, mais c’est un bon résumé (in a nutshell) de la situation.

Cette situation critique a poussé des groupes d’Anglicans de tradition Anglo-Catholique, rejetés par leur province d’origine, et eux-mêmes enthousiastes à l’égard du mouvement œcuménique à chercher un havre, un lieu sécurisé, par l’union avec l’Église Catholique.

 

II)                   Anglicanorum Coetibus, pour qui ?

 

Eh bien, pour ceux qui l’on demandée ! Et ces groupes d’Anglicans frappent à l’huis depuis quelques décennies tout de même.

Il faut savoir qu’il existe déjà depuis les années 80 une structure dédiée au patrimoine liturgique anglican dans l’Église Catholique : la Pastoral Provision du Pape Jean-Paul II.

Les pionniers de l’Anglicanisme au cœur de l’Église Catholique sont américains. En 1978, le chanoine anglican d’origine française le Révérend Albert Dubois, déjà très âgé, effrayé par la décadence de son « Église » Épiscopale des États-Unis, et par les nombreux schismes qui s’ensuivirent, voyagea à travers le pays, parlant discrètement à certains « prêtres » d’une possible réunion en groupe (corporative reunion, expression difficilement traduisible signifiant l’union en tant que groupe constitué à l’Église Catholique). Il prit ensuite contact avec l’Archevêque Catholique de San Antonio, ville où il réunit aussi un congrès d’ecclésiastique Anglicans afin d’explorer cette voie. Un tournant décisif fut franchi lorsqu’il rencontra, en compagnie notamment du Révérend William Saint-John-Brown, S.E. le Cardinal Seper, Préfet de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la Foi, et pétitionna formellement le Pape Jean-Paul Ier afin d’obtenir une possibilité pour les Anglicans d’entrer dans l’Église Catholique tout en conservant des éléments de leur propre tradition. Mais le pauvre chanoine mourut en Juin 1980, quelques semaines seulement avant de voir sa demande, et ses plus chers espoirs se concrétiser.

En Juillet 1980, le Pape Jean-Paul II édicta un document en anglais appelé Pastoral Provision (provision pastorale) qui rentra en vigueur par sa notification aux Présidents des Conférences Épiscopales des États-Unis et d’Angleterre. Ses effets étaient doubles : d’un côté elle permettait facilement l’ordination au sacerdoce dans l’Église Catholique des ministres Anglicans mariés et convertis, et de l’autre la création de paroisses personnelles (désignées comme paroisses d’identité commune) au sein des diocèses Catholiques, paroisse où la vie liturgique se ferait selon un « rite anglican », restant encore à définir, compiler et édicter à l’époque. La première paroisse de ce type fut érigée en 1983 dans le diocèse de San Antonio, Texas. Si la première mesure eut beaucoup de succès, les anciens ministres Anglicans mariés devenus Prêtres Catholiques étant maintenant chose très commune au Royaume-Uni et aux États-Unis, il n’en fut pas de même pour la seconde, les paroisses personnelles se comptant encore aujourd’hui sur les doigts de la main, et se trouvant toutes aux États-Unis. Il y en a plus exactement sept, plus quelques quasi-paroisses et groupes de laïcs.

Mais cela n’a pas empêché ce qui s’appelle l’usage Anglican du rit Romain d’être élaboré. Cet Anglican Use of the Roman Rite fut élaboré en 1983 par un comité ad hoc composé en grande partie d’anciens prêtres épiscopaliens devenus Catholiques en liaison avec la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements. La forme choisie fut celle du Book, typiquement anglicane, où le même livre est à la fois missel, portiforium, manuel, pontifical, et processionnal. Cet ouvrage fut appelé Book of Divine Worship, et ses principales inspirations sont les Books of Common Prayer américains de 1928 et 1979, ainsi que le Novus Ordo Missae. La Messe, tous les Sacrements, et l’office quotidien peuvent donc être célébrés dans l’usage Anglican du Rite Romain.


http://2.bp.blogspot.com/_oN5K_WcO5JM/SkQVvOyTzjI/AAAAAAAAAaU/wbxN-EXwXf4/s400/-32121.jpgLa Messe dans l'Anglican Use célébrée par Mgr. Di Nardo, Archevêque d'Houston


                Mais d’autres groupes que ce petit nombre d’Anglicans déjà Catholiques depuis 30 ans sont à l’origine de la Constitution Apostolique. C’est en effet pour accommoder de plus grand corps ecclésiaux constitués et permettre un mouvement plus large vers l’Église Catholique que l’on passe de la Provision Pastorale à Anglicanorum Coetibus.

Nous trouvons en premier lieu la Traditional Anglican Communion (ci-après « TAC »). Ce corps ecclésial est une Communion internationale selon des modalités similaires à la « Communion » Anglicane, c'est-à-dire composée d’ « Églises » nationales autonomes, et dirigée par un primat, qui cependant exerce une pleine juridiction et non un simple primat d’honneur. Il présente l’intérêt d’être la seule communauté ayant rompu la communion avec l’anglicanisme mainstream ayant un fort aspect international, et l’une des plus importantes en nombre de fidèles. Ses origines, matérialisées par sa succession apostolique (anglicane) sont américaines, et on la trouve aussi en Australie, au Canada, en Afrique du Sud et en Inde.

Une parenthèse s’impose pour comprendre l’origine de la TAC : c’est aux États-Unis qu’est né le phénomène des « Églises continuantes » (Continuing Churches, ou simplement Continuum), petites-« Églises » de tradition Anglicane « continuant » à être Anglicanes, les « Églises » historique ne l’étant plus dans leur vision par leurs innovations. Revenons en arrière : Face à la déréliction dans laquelle l’ « Église » Épiscopale des États-Unis était tombée dès les années 70, un congrès de laïcs et d’ecclésiastiques se réunit à St. Louis (Missouri) en 1977 avec pour but principal de protester contre l’ordination de femmes et les changements apportés à la liturgie de 1928. Mais les évènements prirent une autre tournure : un « Évêque » retraité, le Très Révérend Albert Chambers consacra là plusieurs « Évêques » qui formèrent une « Église » schismatique. Ce nouveau corps ne tarda pas à se désintégrer en myriades de petits groupes, principalement à cause de la grande fracture Anglo-Catholics/Evangelicals, et également à cause des haines personnelles. Il y en a aujourd’hui plus d’une cinquantaine, qui se donnent des noms-acronymes comme PCTK, ACC, EMC, UEC, ACNA… le trait d’humour étant de les appeler en conséquence « églises de la soupe aux pâtes alphabet » !

La Traditional Anglican Communion quant à elle nait en 1991, en tant qu’émanation de l’Anglican Church of America, née la même année de l’union de deux précédentes « Églises » continuantes.

La spécificité la plus remarquable de la TAC est son désir de communion avec l’Église Catholique, les mentalités dans le Continuum Anglican étant plutôt portées vers l’atomisation. On le doit très probablement à ses deux premiers primats (et seuls pour l’instants), le très Révérend Louis Falk, fondateur, et l’actuel primat le très Révérend John Hepworth. Ces deux hommes ont su porter un projet cohérent de réunion en tant que corps constitué, convaincre leurs ouailles et se rendre crédible aux yeux du Vatican au point d’être à l’origine de l’acte législatif du Pape. Le premier contact eut lieu en 1991 avec Mgr. Pierre Duprey, président du Conseil Pontifical pour l’unité des Chrétiens qui leur donna en réponse au désir exprimé d’union avec l’Église le conseil de grossir en nombre de fidèles, de cultiver de bonnes relations au niveau local avec les communautés Catholiques, et de ne surtout pas se donner trop d’ « Évêques ». Les rapports, les rencontres, et les conseils continuèrent à s’échanger pendant les décennies suivantes. Puis, tout s’accéléra. Très concrètement, le 7 Octobre 2007, en l’église Sainte Agathe de Portsmouth en Angleterre, les 38 « Évêques » de la TAC réunis autour de leur primat signèrent solennellement sur l’autel le Catéchisme de l’Église Catholique, et envoyèrent au Cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi une lettre déclarant leur Foi Catholique et demandant à l’Église de prévoir un moyen pour eux d’entrer en communion avec Elle en groupe. La réponse à cette lettre fut, d’après le Cardinal Levada lui-même, la Constitution Apostolique Anglicanorum Coetibus.


Portsmouth.jpg

Les Evêques et vicaires généraux de la TAC à Portsmouth, à l'occasion de la signature solennelle par eux du Catéchisme de l'Eglise Catholique.


La TAC est certes le porte-drapeau de la corporative reunion, mais il ne faut pas oublier qu’il existe des Anglicans qui vont bénéficier d’Anglicanorum Coetibus qui n’ont ni rejoint l’Église il y a 30 ans, ni fait schisme de leur « Église » anglicane nationale pour former une petite Église. Il s’agit principalement de Forward in Faith, rassemblement des Anglo-Catholiques au sein des « Églises » nationales de la « Communion » Anglicane. On les trouve très principalement au sein de l’ « Église » d’Angleterre. Ils avaient tenu à y rester pour tenter de la sauver d’elle-même et de son adaptation aux idées du Monde qui n’a commencée qu’à la fin des années 80 ; et suite au synode qui décida de l’ordination des femmes en 1991 reçurent la particularité canonique d’avoir des « Évêques » rien qu’à eux (dits « volants »), non commis dans des cérémonies d’ordination de femmes et partageant leurs idées. Ce n’est pas pour cela qu’ils négligèrent les relations avec Rome, mais faisant toujours partie de l’ « Église » d’Angleterre ils étaient tenus à la discrétion. Il se dit maintenant que leur contribution a été d’une grande importance dans le processus. Et effectivement, on parle à mots couverts de ces voyages à Rome et à Vienne soi-disant « touristiques » que nombre d’ecclésiastiques de cette mouvance ont effectués. Leur principale spécificité est d’être tellement « romains » qu’un certain nombre d’entre eux utilisent depuis 1979 la forme ordinaire du rit Romain (auparavant ils utilisaient une traduction en anglais Renaissance de la Messe de Saint Pie V appelée English Missal) et sont parfois assez perplexes devant l’idée de la création d’un usage Anglican à ce rit Romain. Il faut citer la figure principale de l’ « Évêque » de Fulham le très Révérend John Broadhurst dans le mouvement. Il a annoncé son intention de rejoindre l’ordinariat Catholique pour les Anglicans d’Angleterre dès sa création et il a été suivi très récemment par 4 autres « Évêques », deux retraités et deux encore en poste jusqu’au 31 Décembre 2010 (Il s’agit des très Révérends Andrew Burnham, Keith Newton, Edwin Barnes et David Silk).

Il faut ajouter que la TAC et Forward in Faith se connaissent déjà bien. Appelés à constituer ensemble les ordinariats, ils sont déjà en communion sacramentelle grâce à un concordat, et, pour donner un exemple pratique, c’est le Très Révérend Robert Mercer de la TAC qui va célébrer l’année prochaine la Messe Chrismale de Forward in Faith Scotland.


http://blogs.telegraph.co.uk/news/files/2010/10/bishop-of-fulham_1007597c.jpgLe Très Révérend John Broadhurst, président de Forward in Faith International


Voilà les trois principaux groupes constitués intéressés par la Constitution Apostolique, un déjà Catholique, les deux autres non. Mais il faut savoir primo que Rome ne s’intéresse pas à ces groupes dans leurs spécificités mais ouvre ses portes à égalité à tous les Anglicans de bonne volonté, afin de former un Ordinariat unique sur le territoire d’une conférence épiscopale. Il en découle que, secundo, des paroisses n’appartenant à aucun de ces trois groupes sont susceptibles de joindre le mouvement, comme on a pu le voir avec une paroisse d’une autre « Église » du Continuum aux USA, ou une paroisse appartenant toujours sans particularité canonique aucune à la province nationale de la « Communion » Anglicane, comme cela est arrivé au Canada et aux USA. Tertio, le Malin étant perpétuellement à l’œuvre, la totalité des fidèles des deux derniers groupes évoqués n’entreront pas en communion avec l’Église, pour les raisons que nous allons voir.

 

III)                 Anglicanorum Coetibus, comment ?

 

En un mot, difficilement. En effet, beaucoup de monde, à commencer par le Malin, a intérêt à voir ce mouvement échouer.

En tout premier lieu, mais cet argument ne vaut que pour ceux dont l’enthousiasme pour la pleine communion est modéré, il est très difficile de quitter sa position souvent honorable, son généreux traitement d’ecclésiastique anglican, son presbytère, sa jolie église médiévale ou victorienne, alors qu’on a une famille avec enfants, pour quelque chose qui aujourd’hui n’existe pas encore (d’autant que les traitements moyens de Prêtre Catholique sont beaucoup plus faibles que ceux des ministres anglicans). Cependant cette raison n’est pas spécifique aux ordinariats, elle a toujours existée, et il existe des sociétés d’aide aux ministres du culte anglicans voulant sauter le pas comme la St. Barnabas Society au Royaume-Uni. Le plus dur pour eux est sans doute de se soumettre à l’ordination, car c’est reconnaitre l’invalidité du « sacrement » qu’ils avaient précédemment reçu. Cependant, l’Église ne se permet pas de juger de la qualité de leur ministère pendant toutes ces années, ni des grâces qu’il a occasionné. Il faut souligner le courage de ces « Évêques » mariés, qui savent pertinemment qu’ils vont perdre leur mitre en rejoignant l’Église Catholique.

En second lieu, la Constitution Apostolique existe parce que la Provision Pastorale de Jean-Paul II s’est avérée être un échec pour ce qui est des paroisses personnelles. Ce relatif échec est dû à plusieurs paramètres, le premier étant que les Évêques de l’époque, partisan du faux œcuménisme postulant que l’Église ne doit plus chercher à convertir les autres Chrétiens, et copinant avec leurs « collègues » anglicans/épiscopaliens ont presque tous systématiquement refusé la création de ce genre de paroisses personnelles, malgré de nombreuses demandes. Aux États-Unis, la plupart des demandes ont été bloquées, et en Angleterre toutes, malgré la conversion en masse d’une paroisse anglicane de Londres dans les années 90, qui a finit par être évincée de son église, et se fondre dans la masse du diocèse de Westminster.

Il faut aussi souligner qu’Anglicanorum Coetibus a jeté une lumière très crue sur les divisions internes, parfois insoupçonnées de ces mouvements conservateurs. En effet, dans un contexte  de déréliction générale, toute sorte de courants traditionnalistes ont pu trouver refuge dans ces corps ecclésiaux (qu’il s’agisse de Forward in Faith ou de la Traditionnal Anglican Communion). Face au geste du Saint-Père, des groupes, des personnes, qu’on croyait favorable à l’union se sont dédit, sans doute affolés par l’imminence d’une chose qu’ils ne croyaient être que lointaine, ou bien parce qu’ils n’y ont jamais été réellement favorable au fond de leur cœur. C’est ainsi qu’aux USA, 3 « Évêques » diocésains sur 5, bien qu’ayant demandé un moyen d’union en tant que corps et signé le Catéchisme à Portsmouth (cf. supra) ont appelé à plutôt se réunir avec d’autres « Églises » du Continuum Anglican et n’ont pas l’intention eux-mêmes de quitter leur charge. Au Royaume-Uni une « société des Saints Wilfrid et Hilda » a été montée par ceux qui veulent rester dans les structures de l’ « Église » d’Angleterre avec le soutient de la hiérarchie épiscopale. Il y a effectivement un certain nombre de départs d’individus des corps ecclésiaux cherchant la pleine communion.

Il faut donc soutenir dans la prière ces groupes recherchant l’union avec l’Église, mais comptant des membres indécis, et certain « Évêques » un peu errants dans leurs actes.

Voilà les raisons qui pourraient limiter le nombre de membres de ces nouveaux ordinariats, mais comptant sur le Saint-Esprit, et le réel désir de nombreux « Évêques », « prêtres » et laïcs de faire ce pas historique, et d’emmener dans leur mouvement le plus de fidèles possibles sur ce qu’ils savent être le chemin de la Vérité, on peut espérer de futurs ordinariats fidèles et florissants.

http://www.walsingham-church.org/OLW11.jpg

L'église Notre Dame de Walsingham à Houston, qui est une paroisse de l'Anglican Use.


                Il faut maintenant aborder les conditions pratiques de la réception en tant que corps des paroisses anglicanes dans l’Église. Le précédent de l’Anglican Use (plus exactement celui de la paroisse Our Lady of the Atonement et de son curé l’Abbé Christopher Philips en 1981) est à considérer comme étant le plus susceptible d’être appliqué. Il s’agissait premièrement de cours, d’homélies faites à sa communauté paroissiale par son curé, et par des intervenants Catholiques invités. Puis intervient un vote de l’assemblée sur l’union avec l’Église (les Anglicans, même traditionnalistes sont attachés au principe d’expression de la communauté paroissiale). S’il est positif, une période de prière intense commence, elle peut être plus ou moins longue.

C’est en pleine union avec l’épiscopat Catholique local que le mouvement se fait. Dans le cas de l’Abbé Philips, il s’agissait de l’Archevêque de San Antonio. L’interlocuteur des groupes concernés par Anglicanorum Coetibus est différent, puisqu’il s’agit de se faire connaitre à un seul Évêque liaison dans le pays, qui permet la communication avec la conférence épiscopale locale, et rend compte à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

La date de la réception en groupe est convenue, et le curé cesse un mois auparavant d’accomplir toute fonction cultuelle. Il fait à ce moment sa profession de Foi en présence de l’Évêque local. La paroisse passe ce mois en prière encore plus intense, mais sans aucune célébration eucharistique ni Catholique ni Anglicane. Les matines remplacent donc la Messe. À la fin de ce mois, le curé de la paroisse est ordonné Prêtre Catholique. Lors de la même cérémonie, ses fidèles font profession de Foi, Communion aux Saintes Espèces, et sont confirmés par l’Évêque local. L’Évêque local érige alors au plus tôt la paroisse personnelle.

Comme on le voit, c’est une procédure extrêmement rapide, ce qui prend du temps étant en fait le discernement de la nécessité d’entrer en pleine communion avec l’Église Catholique. Cela fait, les Sacrements et les procédures sont rapidement menés. Dans le cas de l’ordinariat anglican, il faudra sans doute remplacer « Évêque local » par « Ordinaire pour les Anglicans ».

Les seuls paramètres susceptibles de causer des retards et des déceptions sont principalement ceux des relations lors du départ avec la précédente confession des candidats à l’ordinariat. Dire à son « Évêque » qu’on s’apprête à le quitter avec une paroisse entière n’est facile pour aucun ministre du culte. De plus, l’ancienne confession peut se montrer vindicative et vengeresse.

 

IV)               Et après ?

 

Ici, on entre dans le domaine du mouvant, des projections. En effet, le plus grand secret est maintenu sur les négociations et ce que prépare la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Cependant, ce ne sont que les suppositions sérieuses de personnes concernées, participant au mouvement, et pertinentes qui sont ici exposés, et non pas les miennes propres.

La première question est de savoir où il y aura des ordinariats. On peut déjà dire avec assurance que l’Angleterre aura son ordinariat, alors qu’il y a quelques mois on pouvait craindre que les conversions y soient trop minimes pour le permettre. Avec cinq « Évêques » rejoignant l’Église, disposant de la capacité de se faire suivre par de nombreux ecclésiastiques et laïcs, la question ne se pose plus. Un Évêque Catholique, Mgr. Alan Hopes, auxiliaire de d’archidiocèse de Westminster et lui-même ex-ministre anglican est l’officier de liaison local entre la conférence épiscopale et les groupes concernés.

Si l’on reste en Europe, la question reste ouverte en Écosse, où peu de groupes se sont déclarés. L’Abbé Crosbie, chapelain d’un noble local (oui oui, car on est en monarchie là bas !) y mène le mouvement et soutient le projet d’un ordinariat séparé, même s’il est paré à l’éventualité d’une juridiction commune. L’Évêque-liaison pour l’Écosse est Mgr. Tartaglia, Évêque Catholique de Paisley. En Irlande, il n’y aura très vraisemblablement pas d’ordinariat, les Anglicans étant une toute petite minorité, et la fraction irlandaise de la TAC n’étant apparemment pas intéressée par Anglicanorum Coetibus.

Si nous regardons outremer, il est sûr que les États-Unis vont avoir un ordinariat, puisque c’est de là que le courant d’union avec l’Église a commencé il y a trente ans de cela, et que c’est le pays où le plus de communautés intéressées se sont manifestées à Mgr. Wuerl, Archevêque de Washington qui est la liaison locale. Ces communautés viennent de plus d’un très large spectre, allant de l’Anglican Use à la TAC (en majorité) aux autres « Églises » du Continuum Anglican, et même à l’ « Église » Épiscopale des USA, la dénomination Anglicane historique. Au Canada, quelques paroisses se sont déclarées, toutes membres de la TAC, sauf une qui ressort de l’ « Église » Anglicane du Canada, là encore la dénomination historique. C’est Mgr. Thomas Collins, Archevêque de Toronto qui fait la liaison avec Rome et l’épiscopat local. En Australie enfin, un ensemble comprenant deux juridictions locales de la TAC et le mouvement Forward in Faith Australia s’est fait connaitre à l’Évêque-liaison Mgr. Peter Elliot, auxiliaire de Melbourne et lui-même fils de « Prêtre » Anglican.

A propos des autres « Églises » nationales constituant la TAC (en Afrique, en Inde, au Pakistan, en Amérique latine, au Japon…), absolument rien n’est connu. A ma connaissance, ces corps ecclésiaux n’ont (encore ?) rien demandé, et aucun Évêque-liaison n’a été nommé en ces endroits.

En ce qui concerne les hommes appelés à être ordinaires, rien ne filtre du tout. Tout au plus puis-je rapporter quelques rumeurs anglaises concernant Mgr. Hopes (auxiliaire Catholique de Westminster autrefois Anglican). On a aussi parlé postérieurement à l’annonce de leur conversion les Very Reverends Keith Newton et Andrew Burnham, « Évêques » dits volants chargés des Anglo-Catholiques dans l’ « Église » d’Angleterre.

Si nous abordons le sujet liturgique, attention zone sensible. Il y a dans l’anglicanisme une diversité liturgique qui donne le tournis. Je ne prétends pas que par chez nous la Messe soit pareille entre toutes les paroisses de rit romain, mais au moins nous avons le même missel. Eux ont plusieurs livres liturgiques concurrents. Tout d’abord, le Novus Ordo Missae de Paul VI s’est fait une place au soleil chez les Anglo-Catholiques en Angleterre, c’est une de leurs particularités marquantes. Cependant subsiste encore dans leurs vertes montagnes, leurs plaisants pâturages et leurs collines nuageuses  (*) d’autres formes, comme bien sûr le Book of Common Prayer sous différentes formes (de la renaissance à la dernière édition de 2006 appelé Common Worship) et l’English Missal, traduction en anglais élisabéthain de la Messe de Saint Pie V. En Amérique, l’attachement aux Books of Common Prayer nationaux élaborés dans les années 1920 reste fort dans les corps ecclésiaux cherchant l’union avec Rome, et c’est d’ailleurs à partir des Books of Common Prayer états-unien de 1928 et 1979 qu’a été élaboré le très Catholique Anglican Use. Il faut remarquer que la Constitution Apostolique laisse une certaine latitude à l’ordinariat, permettant à ses Prêtres de célébrer dans les deux formes du rit Romain, ou dans l’usage Anglican de ce même rit, qui reste à définir. Il est fort probable que le Book of Divine Worship sera révisé par un comité ad hoc pour s’adapter à un contexte international et non plus seulement américain.

Enfin il faut parler de bâtiments. Si certaines paroisses, notamment de la TAC possèdent leurs églises, ce n’est pas le cas de toutes les communautés. Celles qui proviendront des « Églises » Anglicanes nationales historiques devront se battre pour conserver leur bâtiment qui ne leur appartient pas. Il est probable qu’au Royaume-Uni elles parviennent à des accords locaux de partage des églises, de par la relative bonne volonté de l’ « Archevêque » de Cantorbéry, et l’action des Évêques Catholiques s’entendant bien avec leurs « confrères » Anglicans. Mais on a tout à craindre de l’ « Église » Épiscopale des USA, gouvernée par Mme Jefferts-Schori, une « archevêquesse » ultra-progressiste qui est une vraie furie et manie l’excommunication, la réduction à l’état laïc et les poursuites devant les juridictions civiles comme jamais pire Pape à l’époque noire de l’Église n’a imaginé oser le faire. Elle préfère gagner la propriété du bâtiment en justice, puis le détruire ou le vendre que de laisser des gens qui contestent ses orientations le conserver ! D’autres communautés n’ont pas de bâtiment du tout et se réunissent en des maisons privées ou louent des temples protestants. Il faudra donc prévoir, comme c’est déjà le cas pour certains groupes appartenant à l’Anglican Use, un accueil et des créneaux horaires dans des églises Catholiques pour la liturgie Anglicane unie à Rome. Et c’est pour bientôt, puisque selon la croyance répandue, les premiers ordinariats seront érigés entre Noël et la Pentecôte.

Un dernier mot sur le nombre de paroisses et de fidèles attendus dans les ordinariats. C’est une véritable inconnue, laissée à la Grâce de Dieu, mais nous pouvons pronostiquer que les groupes se déclarant cette année seront des pionniers suivis par d’autre, attirés par la pleine communion avec l’Église du Christ et de toute façon chassés par le latitudarianisme ou les divisions dans leur actuelle confession.  De même, au niveau local, l’extraordinaire réussite des paroisses de l’Anglican Use là où on les a laissées exister nous permet d’entrevoir dans l’avenir des ordinariats petits mais dynamiques et florissants. Un troisième aspect capital sera celui sans doute aucun de ceux que les anglo-saxons appellent « church planting », littéralement « plantation d’églises », c'est-à-dire évangélisation et établissement de nouvelles communautés partout où cela est possible.


http://www.kent-and-canterbury-nurse.co.uk/images/cant-cross.gif

La croix de Cantorbéry, emblème des Anglicans réunis à Rome.

 

 

Il me semble avoir fait grosso modo le tour de la question par ces lignes issues de mon grand intérêt pour les communautés ecclésiales issues de la Réforme. Encore une fois, ce mouvement de réintégration en tant que tel d’un corps que nous considérons comme protestant est une grande nouveauté, et peut être auront nous, mais j’extrapole ici, la joie de voir un jour les groupes traditionnalistes luthériens, dont certains sont très proches de nous (Ex. L’ « Église » Catholique Nordique), entrer en pleine communion avec l’Église. Cependant gardons les pieds sur terre : ce mouvement capital doctrinalement et dans un perspective œcuménique aura un impact limité sur la vie de l’Église. Certes, ces Anglicans nous apportent un patrimoine perdu et une tradition liturgique digne d’éloge, mais leur nombre est tout petit opposé à celui des Catholiques anglais ou américains, à celui du milliard de Catholique, ou encore aux 10% de Catholiques de rite oriental. Quant à nous, notre principale aide à ce mouvement est sans doute aucun de le connaitre un peu (tout comme nous devrions pouvoir énumérer nos Églises Orientales) et de prier pour eux.

Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous.

 

Addendum en date du 16 Janvier 2011: le premier ordinariat a été érigé hier au Royaume uni, voir ici.

 

Ressources documentaires :

 

Anglicanorum Coetibus

Normes Complémentaires

Anglican Use

The Book of Divine Worship

Traditionnal Anglican Communion

     - Aux Etats-Unis

     - En Australie

     - Au Canada

     - En Inde

     - En Angleterre

Forward in Faith

The Anglo-Catholic

Friends of the Ordinariate

 

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commentaires

A
<br /> Vous avez fait une très bonne analyse de la question anglicane et notre future intégration dans la communion de l'Eglise catholique - "unis sans être absorbé" selon une expression attribuée au pape<br /> Paul VI.<br /> <br /> J'attire votre attention à une autre ressource qui ne figure pas dans la liste: mon blog http://catholicusanglicanus.wordpress.com/ et mon site http://civitas.dei.pagesperso-orange.fr/<br /> <br /> Je vois l'anglicanisme d'un point de vu de l'esprit du monde catholique avant le Réforme et la Contre-Réforme, une situation qui avait introduit l'esprit dialectique dans l'Eglise. Je pense que<br /> cette idée est très présente dans la pensée du Saint-Père Beneoît XVI.<br /> <br /> Je m'inquiète beaucoup pour la mise en oeuvre...<br /> <br /> <br />
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Approximativement 46 millions d'avortements ont lieu dans le monde chaque année.

Ce compteur donne une idée du nombre de petites vies interrompues depuis le 1er Janvier.

Requiem aeternam dona ei Domine et lux perpetua luceat eis.

Ô Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à Vous.

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